Tutoriel n°5 (explication de texte/Terminale) : trouver des idées critiques

L’exercice d’explication de texte, à l’épreuve de philosophie au baccalauréat, consiste pour l’essentiel à faire un travail d’explication des idées du texte. Autrement dit, vous devez avoir une approche neutre des idées de l’auteur : comprendre pourquoi il affirme ces idées et non les critiquer.

Cependant, il faut également que vous montriez vos capacités de réflexion critique sur le texte. Concrètement, cela consiste à donner votre point de vue argumenté, sur deux ou trois idées du texte (dont la thèse, le plus souvent).

Dans ce tutoriel, je vous montre en quoi consiste une idée critique, comment en trouver et où les mettre, dans votre explication.

Qu’est-ce qu’une idée critique ?

Critiquer consiste en général à donner une appréciation positive ou négative sur quelque chose. Il s’agit ici d’évaluer certaines affirmations du texte, en fonction de leur validité : sont-elles toujours vraies ? Y a-t-il des exceptions ? Ne peut-on pas émettre un autre hypothèse ?

Faites attention au sens du terme « critique ». Dans le langage courant, il est réduit à son sens négatif, mais le terme a un sens plus large : il peut aussi être pris dans son sens positif. Pensez, par exemple, à la critique littéraire ou cinématographique.

Remarque importante : votre critique doit s’appuyer sur des arguments et des explications.

Comment trouver des idées critiques ?

Voici quelques conseils, pour vous aider à trouver des critiques sur le texte :

1) Recherchez des idées critiques, dans vos connaissances en général, dans votre cours de philosophie ou dans des cours d’autres matières.

2) Cherchez un contre-exemple qui infirme une idée du texte ou bien cherchez un exemple qui confirme une idée. Souvenez-vous que dans ce cas, l’exemple ne démontre pas, à proprement parler, l’idée.

3) Comparez une idée du texte à l’avis d’autres philosophes. Vérifiez bien que vous comparez deux réflexions sur le même sujet. Cherchez aussi à expliquer pourquoi il y a désaccord, si l’autre auteur vous sert à émettre une critique « négative ». Inversement, si vous appuyez une idée du texte, par l’avis d’un autre auteur (critique « positive »), cherchez ce qui peut quand même différencier les deux points de vue.

Où placer ces idées critiques, dans votre travail final ?

Il est plus logique, au brouillon, de rechercher des idées critiques, après avoir bien compris les idées du texte. Par contre, dans votre rédaction au propre, il est conseillé d’insérer ces critiques, dans votre explication des idées. Evitez la méthode qui consiste à faire une partie séparée de l’explication. En effet, cette méthode amène bien souvent le candidat à « disserter » sur le texte et finalement à le perdre de vue.

Indiquez bien par contre que vous passez de l’explication proprement dite de l’idée à sa critique. Par exemple, utilisez des expressions comme : « Nous pourrions objecter que.. » ou « Cette idée nous paraît juste. En effet, … ». Ensuite, enchaînez sur l’explication de l’idée suivante du texte.

Exemple d’explication

Exemple d’idées critiques sur le texte d’Aristote (extrait de La Politique I,2)

« Il est évident que l’homme est un animal politique, bien plus que n’importe quelle abeille ou n’importe quel animal grégaire. Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. Et seul parmi les animaux, l’homme est doué de parole. Certes la voix sert à signifier la douleur et le plaisir et c’est pourquoi on la rencontre chez les autres animaux (car leur nature s’est hissée jusqu’à la faculté de percevoir douleur et plaisir et de se signifier mutuellement). Mais la parole existe en vue de manifester l’utile et le nuisible, puis aussi, par voie de conséquence, le juste et l’injuste. C’est ce qui fait qu’il n’y a qu’une chose qui soit propre aux hommes et les sépare des autres animaux : la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste et autres notions de ce genre ; et avoir de telles notions en commun, voilà ce qui fait une famille et une cité. »

1° « Il est évident que … »

Nous pourrions nous demander s’il s’agit vraiment d’une évidence. Aristote estime que les hommes sont, par nature, faits pour vivre en société, et donc, qu’ils ont toujours vécu ainsi. Or, d’autres philosophes, comme Kant, Rousseau ou Hobbes, émettent l’hypothèse, selon laquelle la société existe, non par nature, mais par convention. Ce sont les hommes qui décident, par un contrat, de quitter l’état de nature, pour vivre ensemble, dans une société structurée et unir ainsi leurs forces.
Il n’est pas évident, dans ce débat, de déterminer qui a raison. Cependant, il est peu probable que les premiers hommes aient formé des sociétés, déjà complètement constituées, sur le plan politique. Ils ont probablement commencé par former des sociétés, dans lesquelles ceux qui étaient les plus forts détenaient un pouvoir sur les autres.

2° « La nature ne fait rien en vain »

Nous pouvons objecter à ce principe finaliste une autre manière de considérer les productions de la nature. Les êtres vivants, y compris l’homme, seraient le résultat de combinaisons hasardeuses et non d’une volonté de la nature. En effet, attribuer une volonté à la nature, c’est la considérer à l’image de la volonté humaine. Nous projetons notre propre matière de faire, sur la nature, afin d’essayer d’expliquer ce que nous observons.

3° « Et seul parmi les animaux, l’homme est doué de parole. »

Les animaux sont donc également dépourvus de pensée, puisqu’ils sont dépourvus de parole. Cette thèse d’une différence radicale entre l’homme et l’animal, sera reprise par Descartes, avec sa théorie de l’animal-machine. Cependant, certaines recherches modernes, en éthologie (étude du comportement des animaux) remettent en question une telle coupure et proposent une hypothèse « continuiste », selon laquelle les animaux possèderaient une forme d’intelligence plus ou moins développée, selon les espèces. Il n’y aurait donc pas de supériorité radicale de l’homme sur l’animal. Par contre, il est probable que l’animal n’ait pas les notions d’ « utile » ou de « juste ».

Exercice à faire

Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site). Un corrigé vous sera proposé dans le Tutoriel n°6 .

Trouvez des idées critiques sur le texte de Bergson (donné ci-dessous).

Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°4

Avant de lire le corrigé, avez-vous fait l’exercice du tutoriel n°4 ?

Texte de Bergson :

« Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun de nos mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix.

1. Qu’est-ce que la conscience ?

La conscience est la faculté qui nous permet de nous rendre compte de l’existence du monde extérieur ou de nous-même. Elle est donc à prendre ici au sens de conscience « psychologique » et non « morale » (qui juge selon les critères du bien et du mal).

2. Expliquer l’opposition entre « spontané » et « automatique » (+ explication de l’exemple)

Ces termes sont opposés. Par exemple, lorsque nous apprenons un exercice :
– Au début, tous nos mouvements doivent être guidés par notre conscience, ils « viennent donc de nous », en tant que nous décidons volontairement de les faire. Ainsi, « quelqu’un de spontané » est quelqu’un qui agit de lui-même, par sa propre volonté, sans contrainte extérieure. De plus, nous devons constamment vérifier si nos gestes correspondent bien à ce que nous voulons faire, car nous manquons encore d’habileté.

– Puis, lorsque les mouvements nous deviennent familiers, nous avons moins besoin d’y penser et nous les faisons de manière automatique. Un « automate » est, d’après son étymologie, un objet qui se meut tout seul. « Automatique » est donc synonyme de « mécanique » : nous agissons comme une machine, qui fonctionne sans avoir de volonté. La répétition et l’habitude font que nos gestes finissent par devenir automatiques.

3. Pourquoi Bergson parle-t-il de « crise » ?

« Crise » signifie au sens propre « être coupé en deux ». Lorsque nous avons un choix à faire, nous hésitons entre plusieurs voies possibles, et nous hésitons d’autant plus que nous avons peur de faire un mauvais choix. En effet, ce choix sera déterminant pour notre avenir et nous ne pourrons pas revenir en arrière. Notre conscience est donc à son maximum d’intensité, car nous devons réfléchir aux raisons qui vont déterminer notre choix.

4. Comment expliquer les variations d’intensité de notre conscience ?

Nous faisons l’expérience de notre conscience, en ressentant qu’elle n’a pas tout le temps le même degré d’intensité. Soit elle échappe à notre volonté (quand nos gestes deviennent automatiques), soit nous l’appliquons au contraire à notre réflexion (quand nous nous concentrons). Nous n’avons donc pas tout le temps une maîtrise sur notre conscience. Elle varie donc plutôt à son gré, selon que la situation exige ou non sa présence.

5. Pourquoi Bergson emploie-t-il le terme « création » qui est plutôt un terme qui caractérise l’artiste ?

Dans certains cas, nos actions proviennent de décisions totalement libres, au sens où elles émanent de notre volonté et ne se limitent pas à répéter ce qui a déjà été fait : nous y introduisons donc de la nouveauté. De même un artiste, notamment le génie, crée des oeuvres originales, qui ne sont pas la copie de ce qui a déjà été fait.

6. Pourquoi affirmer que « conscience signifie mémoire ? »

Il ne peut y avoir de conscience sans mémoire. Une conscience ponctuelle (qui n’aurait conscience que de l’instant présent) n’aurait conscience de rien. En effet, il faut qu’une certaine durée s’écoule, pour voir des actions s’enchaîner dans la réalité ou nos idées dans un raisonnement. Lorsque nous apprenons un exercice, nous devons aussi nous souvenir de nos mouvements précédents.

7. Pourquoi affirmer que « conscience signifie anticipation » ?

L’anticipation est l’attente de l’avenir, avec l’idée que nous nous attendons à ce qui va arriver ou du moins nous sommes prêts à réagir. Or, nous avons vu que la conscience était aussi tournée vers l’avenir dans la mesure où elle fait des choix et où elle doit tenir compte des conséquences de toutes les possibilités pour déterminer le choix à faire.

8. Pourquoi affirmer que « conscience est synonyme de choix » ?

La conscience a une certaine « épaisseur », puisqu’elle relie le passé à l’avenir. Nous avons vu aussi que pour choisir, nous devons nous concentrer sur les différentes possibilités et leurs conséquences possibles.

9. Quel est le rapport entre mémoire, anticipation et choix ?

Le choix est bien une anticipation de l’avenir (ce que je veux faire). Mais il se fait aussi en fonction de notre expérience (donc de notre passé.)

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