Dans le tutoriel n°3 sur l’explication d’un texte philosophique, vous avez appris comment vous poser les bonnes questions sur les idées du texte, afin de les expliquer et éviter ainsi la paraphrase. Dans ce tutoriel, je vous montre comment trouver des réponses pertinentes à ces questions.
Définir les termes clefs du texte
Nous avons vu, dans le Tutoriel n°3, que le premier type de questions à vous poser sur le texte devait correspondre à des questions de définition (de type : « Qu’est-ce que …?). Voici quelques conseils, à propos du travail de définition :
1) Il vous faut impérativement définir les termes importants du texte, notamment ceux qui correspondent aux notions que vous avez au programme de Terminale. Mais, il est aussi utile de définir ceux que vous jugez important, pour la compréhension du texte. Attention, il ne s’agit pas nécessairement de termes difficiles à comprendre ! Ce peut être, au contraire, des termes qui ont un sens très simple, connu de tous.
2) Attention aussi à éviter une erreur que l’on rencontre fréquemment : la définition que vous donnez d’un terme doit correspondre au sens qu’il possède dans le texte et non à un autre sens possible – mais non valable, dans le passage – ni à un sens qu’un autre auteur lui donne.
3) Pourquoi définir les termes clefs du texte ? Il ne s’agit pas de définir, pour définir, mais bien pour vous aider dans votre analyse des idées du texte.
4) Le nombre moyen de termes à définir, dans le passage qui vous sera donné, sera entre 3 et 5.
Trouver des arguments aux idées affirmées par l’auteur
Nous avons vu également dans le Tutoriel n°3, que le deuxième type de questions à vous poser sur le texte devait correspondre à des questions d’explication (de type : « Pourquoi …? » ou « Comment …? »)
En principe, ce type de questionnement doit vous éviter de paraphraser le texte. S’il est relativement facile de transformer chaque affirmation du texte, en ce type de questions, il est plus difficile d’y trouver des réponses. Voici quelques conseils :
1) Vérifiez que l’argument que vous donnez n’est pas déjà quelque part dans le texte ; sinon, votre réponse sera de la simple paraphrase;
2) Vous n’êtes pas censé connaître la pensée globale de l’auteur du texte. Par conséquent, l’argument que vous avancez sera accepté, même s’il contredit la pensée de l’auteur, à condition qu’il ne contredise pas les idées ou la logique du texte que vous avez à expliquer.
3) Pour trouver des arguments, faites jouer votre bon sens et votre imagination. Appuyez-vous sur des connaissances tirées de votre cours de philosophie, d’autres cours ou de votre culture générale.
Exercice d’application
Texte d’Aristote (extrait de La Politique I,2) Le texte, présenté d’un seul tenant, se trouve dans le Tutoriel n°2
Je vous donne ici des réponses possibles, aux questions que nous nous étions posées, dans le tutoriel n°3, sur le texte d’Aristote :
« Il est évident que l’homme est un animal politique, bien plus que n’importe quelle abeille ou n’importe quel animal grégaire. |
Questions :
– Pourquoi l’homme est-il un « animal politique » ? (Pourquoi a-t-il besoin de vivre en société ?)
L’homme est défini par Aristote comme un « animal politique ». Cette définition binaire (contenant deux termes) indique que l’homme est inclus dans le genre «animal », mais qu’il forme une espèce particulière, parce qu’il possède la caractéristique d’être « politique », c’est-à-dire de vivre, en formant des sociétés (« polis » signifie « cité » en grec).
– En quoi est-ce une évidence ?
Pour Aristote cette affirmation est une évidence (« il est évident que … »). En effet, l’observation montre que tous les hommes (ou presque) vivent en société. Autrement dit, ils forment avec d’autres individus, une organisation structurée et partagent des buts, des valeurs ou des croyances communes. Selon Aristote un animal ou un dieu peuvent vivre seuls, mais non un homme. En effet, l’homme a besoin de ses semblables pour survivre et pour nouer des liens affectifs. Et surtout, l’individu trouve son complet épanouissement dans la cité, parce qu’il peut y exercer ses fonctions de citoyen.
– Pourquoi Aristote précise-t-il : « bien plus que » ?
Aristote doit aussi admettre que d’autres animaux (comme les abeilles ou les fourmis) forment des sociétés très structurées, semblables à celles des hommes. C’est pour cela qu’il utilise le comparatif « bien plus ». En même temps, ce comparatif introduit une différence : la société humaine a ses propres particularités, comme il le montrera plus loin. Par conséquent, le comparatif est à prendre en un sens qualitatif et non simplement quantitatif.
Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. |
Question :
– Que signifie l’expression : « la nature ne fait rien en vain » ?
Si les hommes forment par nature des sociétés, c’est que la nature est douée d’une sorte de volonté, d’une intention, à l’image de la volonté humaine. De plus, cette intention repose sur un principe d’économie, puisque la nature est dite ne « rien faire en vain ». Ainsi, l’homme agit très souvent pour atteindre un but. De même la nature crée des êtres vivants, des organes, selon une certaine finalité. Par exemple, elle crée l’œil, pour voir.
Et seul parmi les animaux, l’homme est doué de parole. |
Question :
– Qu’est-ce que la parole ?
La parole est l’émission signes (au sens linguistique du terme), qui prennent la forme de sons articulés. Rappelons qu’un « signe » est – à la différence du « signal » – porteur d’un sens et qu’il sert donc à exprimer la pensée du locuteur.
Certes la voix sert à signifier la douleur et le plaisir et c’est pourquoi on la rencontre chez les autres animaux (car leur nature s’est hissée jusqu’à la faculté de percevoir douleur et plaisir et de se signifier mutuellement). |
Questions :
Quelles différences y a-t-il entre la « voix » et la « parole » ?
La voix se manifeste, comme la parole, sous la forme d’une émission de sons, à l’aide de l’appareil phonatoire de l’animal. Cependant, ces sons n’expriment pas un sens, car selon Aristote, seul l’homme a une pensée. En effet, posséder une raison est ce qui distingue l’homme de l’animal (cf. plus haut). Ainsi, la voix est constituée d’un ensemble de signaux, dont l’émission provoque un certain comportement chez d’autres animaux (d’aide ou de fuite, par exemple).
Qu’est-ce que la douleur et le plaisir ?
L’animal, tout comme l’homme, cherche à satisfaire ses besoins et fuit la douleur. En effet, la douleur est un signal qui protège le corps, en indiquant la présence d’un danger. Inversement, le plaisir est une sensation qui apparaît, après la satisfaction d’un besoin (chez l’animal) et d’un désir (chez l’homme).
Pourquoi la voix sert-elle à exprimer la douleur et le plaisir ? En quoi les animaux en ont-ils besoin ?
Doués d’un instinct de survie, les animaux et les hommes fuient donc la douleur. Or, la voix est un moyen efficace et rapide pour signifier aux autres ce qui nous est agréable ou déplaisant. De plus, il est utile pour leur survie d’exprimer à leurs congénères la sensation de plaisir ou de douleur, pour déclencher en eux un comportement d’aide ou de fuite (s’ils sont à l’origine de la menace).
En quoi la voix est-elle suffisante, pour exprimer la douleur et le plaisir ? (Pourquoi n’a-t-on pas nécessairement besoin de la parole, pour cela ?)
L’expression de l’agréable et du désagréable peut se faire par le simple moyen de l’émission de signaux (et non de signes). Ces signaux provoquent le comportement adapté chez le congénère (aide ou fuite).
Mais la parole existe en vue de manifester l’utile et le nuisible, puis aussi, par voie de conséquence, le juste et l’injuste. |
Questions :
Qu’est-ce que l’utile et le nuisible ?
Est jugé « utile » ce qui constitue un moyen pour atteindre un but. Par contre, ce qui est qualifié de « nuisible » nous empêche d’atteindre un but.
Qu’est-ce que le juste et l’injuste ?
Le juste et l’injuste s’inscrivent, quant à eux, dans le registre de la morale et de la politique (domaine juridique). On estime « juste » la façon dont quelqu’un doit être traité, conformément à sa nature ou à son activité. Ainsi, l’égalité stricte peut conduire à l’injustice : par exemple, il est juste qu’un athlète qui s’entraîne pour les Jeux Olympique ait davantage de nourriture qu’un enfant.
En quoi a-t-on besoin de la parole pour les manifester ? (Et en quoi la voix n’est-elle pas adaptée, pour cela ?)
L’homme a besoin d’exprimer aux autres ces valeurs. En effet, exprimer l’utile et le nuisible permet l’entraide. En société, les hommes peuvent unir leurs forces. Cette entraide permet les progrès de la société. En particulier, les progrès techniques permettent de satisfaire plus facilement nos besoins et nos désirs. Chacun va se spécialiser dans un métier, pour l’utilité commune.
Cependant, les hommes ont aussi besoin, en société, de s’entendre sur ce qui est juste et injuste. En effet, les intérêts des individus peuvent s’opposer et entraîner des conflits d’intérêts et même des guerres. Il faut donc définir ce qui est juste, pour que les conflits restent limités et ne menacent pas l’existence de la société. En définissant la norme du juste, il est ainsi possible de se défendre, en faisant appel à l’institution judiciaire.
Pour pouvoir définir cette norme, les hommes doivent établir et donc discuter des lois. Mais, selon les types de régimes politiques (monarchie, oligarchie ou démocratie) tous ou seulement un certain nombre participent à l’élaboration des lois de la cité.
C’est ce qui fait qu’il n’y a qu’une chose qui soit propre aux hommes et les sépare des autres animaux : la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste et autres notions de ce genre ; et avoir de telles notions en commun, voilà ce qui fait une famille et une cité. » |
Qu’est-ce que le bien et le mal ?
Selon Kant, le bien consiste à traiter autrui comme une fin et non simplement comme un moyen. Cela revient à respecter la personne d’autrui, en tenant compte du fait qu’il est un individu qui a une valeur unique, absolue. Cependant, Aristote. ne peut pas avoir la même conception du bien et du mal, puisqu’il justifie l’esclavage. Selon lui, les hommes sont inégaux par nature. Le bien consiste donc à être traité et à agir, conformément à notre propre nature.
Qu’entend-il par « autres notions de ce genre » ? »
Nous pouvons penser à d’autres valeurs morales, comme la vertu, l’honnêteté, le courage ou la piété, qui étaient des valeurs fondamentales dans la cité grecque.
Qu’est-ce qu’une « famille » ? une « cité » ?
La société et les groupes que les hommes forment ne sont donc pas égalitaires. Tout d’abord, la famille est un ensemble d’individus unis par les liens du sang (ou de l’adoption). Elle est commandée par le père, qui est le chef de famille, auquel tous les autres membres doivent obéissance. La cité est, quant à elle, un système beaucoup plus grand, composée de plusieurs familles et organisée selon des lois. Elle est une unité politique indépendante, qui possède son propre gouvernement et tente de garder son indépendance, tout en étant liée à d’autres cités, par des traités.
Pourquoi avoir de telles notions en commun, fait-il une famille et une cité ? (En particulier comment comprendre l’expression : « c’est ce qui fait »?)
Avoir des notions du juste ou d’autres valeurs permet à chacun de poursuivre des buts communs, au lieu de s’opposer. Mais pour cela, il faut que, dans la cité ou dans la famille, chacun respecte sa place et remplisse son rôle. Il est donc fondamental que les valeurs du bien et de la justice soient transmises, et ce, au moyen de la parole.
En effet, former une société ne consiste pas simplement à échanger des informations sur ce qui est agréable ou non, mais sur ce qui est utile (ou nuisible) et sur ce qui est juste (ou injuste) et également à débattre de ce qui est utile ou juste pour nous-mêmes ou pour la cité.
Exercice à faire
Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site). Un corrigé vous sera proposé dans le Tutoriel n°5.
Trouvez des réponses aux questions de définition et d’explication, sur le texte de Bergson (donné, juste en dessous, dans le corrigé de l’exercice du Tutoriel n°3)
Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°3
Avant de lire le corrigé, je vous invite à faire l’exercice du Tutoriel n°3
« Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun de nos mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix. |
Questions sur le texte de Bergson :
1. Qu’est-ce que la conscience ?
2. Expliquer l’opposition entre « spontané » et « automatique » (+ explication de l’exemple).
3. Pourquoi Bergson parle-t-il de « crise » ?
4. Comment expliquer les variations d’intensité de notre conscience ?
5. Pourquoi Bergson emploie-t-il le terme « création » qui est plutôt un terme qui caractérise l’artiste
6. Pourquoi affirmer que « conscience signifie mémoire ? » :
7. Pourquoi affirmer que « conscience signifie anticipation » ?
8. Pourquoi affirmer que « conscience est synonyme de choix » ?
9. Quel est le rapport entre mémoire, anticipation et choix ?
Voir le sommaire de l’ensemble des tutoriels sur l’explication de texte en philosophie