Dans l’un de ses livres, Stephen Covey donne l’exemple d’un étudiant qui vient le voir, pour s’excuser de ne pouvoir assister à son prochain cours, à cause d’une compétition de tennis, avec l’équipe de l’université. Covey engage alors la conversation avec son étudiant, pour lui faire comprendre que son absence ne dépend pas, comme il le croit, d’une obligation (il doit jouer avec son équipe), mais de son propre choix (il choisit de donner la priorité à cette compétition, sur le cours auquel il doit normalement assister).
Cet exemple parle à chacun de nous : nous préférons souvent nous réfugier derrière le prétexte d’une obligation, plutôt que de prendre clairement conscience de notre liberté de choix. Ce décalage entre notre expérience profonde et la manière dont nous l’exprimons aux autres ou à nous-mêmes, par des mots, prend de multiples formes qui sont étudiées, en Programmation Neuro-Linguistique. Cette discipline nous propose également des outils, pour prendre conscience de ce décalage et pour le réduire le plus possible.
Dans cet article, je vous propose d’adapter l’analyse que fait la PNL de ce problème, au domaine de l’apprentissage (de la philosophie, en particulier). Des énoncés comme « je dois travailler plus », « ce professeur m’a mis une mauvaise note, parce qu’il ne m’aime pas », « je n’y comprends rien » ou « les élèves me fatiguent » sont de bons exemples du problème dont nous allons parler. Alors, si vous avez tendance à vous répéter souvent ce genre de phrases, lisez cet article !
« La carte n’est pas le territoire »
Cette citation d’Alfred Korzybski, fondateur de la sémantique générale, sera le point de départ de ma réflexion. Contrairement à ce que nous croyons, nous ne sommes jamais en contact avec la réalité elle-même (« le territoire »), mais seulement avec l’interprétation que nous faisons de cette réalité (« la carte »). Ceci dit, toutes les cartes ne sont pas équivalentes : certaines – comme les cartes géographiques – contiennent des erreurs ou sont moins précises que d’autres. L’idéal est de faire en sorte que notre carte nous donne une représentation la plus proche possible du territoire.
Cependant, ce premier décalage – entre la réalité et l’interprétation que nous en faisons – se double d’un second. En effet, entre la carte et le territoire vient s’insérer notre expérience de la réalité. Ainsi, la façon dont nous exprimons par des mots notre expérience (ce qui correspond à « la carte ») n’est que la traduction approximative de la façon dont nous la vivons (notre expérience de la réalité). Souvenez-vous également que notre expérience de la réalité n’est pas la réalité elle-même (« le territoire »).
Nous nous intéresserons ici au premier décalage : celui qui existe entre notre expérience vécue et la façon dont nous la traduisons par des mots.
Pourquoi est-il important de réduire ce décalage ?
Il est important de reprendre contact avec notre expérience profonde, parce qu’elle est souvent occultée par la façon dont nous en parlons et confondue avec elle, alors que cette dernière n’est qu’une structure de surface. Or, un tel décalage engendre souvent des obstacles, des sentiments négatifs et de faux problèmes. Ainsi, il est important, pour réussir au mieux nos objectifs ou pour les atteindre plus facilement, d’exprimer le plus fidèlement possible notre expérience de la réalité et par là même d’avoir une carte qui soit la plus proche possible du territoire.
En quoi notre langage est-il souvent approximatif ?
Lorsque nous parlons aux autres ou à nous-même, notre langage peut être approximatif :
(1) par généralisation;
(2) par suppression (de certaines informations);
(3) par distorsion.
Ces différentes catégories contiennent elles-mêmes plusieurs variantes, que nous pourrons pas traiter ici de façon exhaustive. Je m’appuierai donc sur les exemples les plus significatifs, pour notre propos. L’important est que vous preniez conscience de ces approximations, lorsque vous parlez, et que vous les releviez chez les autres, pour pouvoir les aider.
J’illustre ces trois catégories, par des exemples, sans vous donner, pour l’instant, d’explications. Essayez, par vous-même, de comprendre, en quoi il y a généralisation, suppression d’informations ou distorsion.
La généralisation
– « Je n’y comprends rien ! »
– « C’est toujours pareil ! »
La suppression
– Je dois travailler plus
– J’ai trop de travail
La distorsion
– « Ce professeur m’a mis une mauvaise note, parce qu’il ne m’aime pas »
– « Les élèves me fatiguent »
Comment retrouver les informations ?
La PNL a mis au point une technique appelée « méta-modèle », qui permet, par un jeu de questions, de retrouver l’information supprimée, de préciser une généralisation et de rectifier une distorsion. Toute cette information faisait partie de notre expérience profonde, mais n’était pas encore extériorisée, dans la manière dont nous l’énonçons aux autres ou à nous-mêmes. En nous entraînant au « méta-modèle », nous devenons capable de préciser par nous-mêmes cette information et d’éviter les pièges de la distorsion ou de la généralisation.
Comment relativiser la généralisation
– « Je n’y comprends rien ! »
Questions à se poser : « Vraiment rien ? » « N’y a-t-il pas quelque chose que je comprends (dans ce texte ou dans ce cours)? « A quel endroit exactement, la compréhension s’avère-t-elle plus difficile ? »
But : il s’agit de relativiser notre croyance et ses présupposés (si je n’y comprends rien, c’est que je suis « nul »), pour sortir du blocage qu’elle provoque.
– « C’est toujours pareil ! »
Question à se poser : « Toujours ? » « Est-ce que je me souviens d’une fois, où ce n’était pas la même chose ? »
But : là encore, il s’agit de relativiser notre croyance et ses présupposés (ce n’est pas la peine d’essayer de faire autrement), pour sortir du blocage qu’elle provoque.
Comment compléter la suppression d’informations
– « Je dois travailler plus. »
Questions à se poser : « qu’est-ce que j’entends par là? » « Est-ce une question de quantité de travail : fournir davantage d’heures ? combien alors ? à quels moments de la semaine vais-je les rajouter ? » « Ou bien, est-ce que je dois aussi changer la qualité de mon travail ? me sentir plus impliqué, être plus concentré ? »
but : en précisant votre décision de travailler « plus », vous vous rendrez la tâche plus facile, que si vous étiez resté dans le vague, car vous saurez exactement ce que vous avez à faire, quitte à rectifier ensuite, en cours de route, la manière dont vous devrez procéder.
– « J’ai trop de travail. »
Questions à se poser : « Trop, par rapport à quoi ? », Par rapport à l’année précédente ? à d’autres classes ? au temps que je passe ou que je veux passer à travailler ? »
But : il s’agit de trouver un indicateur de comparaison pertinent, c’est-à-dire celui qui vous fera réellement progresser et non celui qui vous servira d’excuse, pour rester dans votre plainte. Dans notre exemple, il ne sert à rien de comparer notre volume de travail à des indicateurs extérieurs (une autre année, une autre classe). Il est plus utile de nous demander comment faire pour que ce sentiment disparaisse : comment travailler plus efficacement ? de manière plus organisée ? en perdant moins de temps (par exemple à retrouver des documents ou des cours)?
Comment corriger la distorsion
– « Ce professeur m’a mis une mauvaise note, parce qu’il ne m’aime pas »
La distorsion consiste ici à attribuer une cause (ici le professeur) à un événement (ici la mauvaise note), alors que cette cause n’est pas forcément la bonne. De plus, elle est accompagnée de ce qu’on appelle une « lecture de pensée » : « ce professeur ne m’aime pas ».
Questions à se poser : la cause que j’invoque est-elle réellement la bonne ? Est-ce à cause du professeur que j’ai eu une mauvaise note ou parce que je n’ai pas assez révisé?
Comment est-ce que je sais que ce professeur ne m’aime pas ? En quoi le fait de me mettre une mauvaise note prouve qu’il ne m’aime pas ? N’y a-t-il pas d’autres raisons plus plausibles à ma mauvaise note ?
But : si vous avez vraiment la volonté de progresser, autant trouver la cause réelle à vos mauvaises notes actuelles. Il est plus profitable de vous en faire porter la responsabilité (sans aller bien sûr jusqu’à vous stigmatiser). En effet, modifier votre comportement est plus facile que changer un sentiment chez les autres (surtout si ce sentiment n’existe que dans votre imagination !)
– « Les élèves me fatiguent. »
Questions à se poser : est-ce leur intention ? est-ce que ce sont réellement eux qui sont la cause de ma fatigue ? N’est-ce pas moi qui me fatigue, dans la manière dont je m’y prends avec eux, ou à cause des exigences ou des attentes que j’ai, vis-à-vis d’eux ?
But : là encore, l’idée consiste à bien dissocier la réalité de la perception que j’en ai. Mon impression de « fatigue » vient de mon interprétation de la réalité : je ressens de la fatigue et je lui attribue une cause. Mon impression est aussi provoquée par le décalage entre ce que je perçois et ce que je voudrais percevoir. Si je modifie (même légèrement) certaines de mes attentes, je réduirais alors mon impression.
Conclusion
Je vous invite dans les prochains jours, à être très attentif à votre dialogue interne ou à la façon dont les autres (vos camarades ou vos collègues) vous parlent, lorsqu’ils vous font part de leurs impressions. Quant vous vous surprenez à tenir des propos approximatifs, faites l’effort de vous corriger, en vous posant les questions appropriées. Amusez-vous aussi à faire cet exercice, sur les propos de quelqu’un d’autre, en gardant toujours une certaine diplomatie ! Vous constaterez que vos paroles deviendront peu à peu plus précises et qu’elles vous permettront de travailler plus efficacement et d’avoir un esprit plus positif !