Dans ce tutoriel sur l’étude d’un texte philosophique, pour les séries technologiques STT-STI, nous allons aborder ce que vous devez faire dans la troisième question. Cette question pose un sujet de dissertation, en rapport avec le texte que vous avez expliqué, dans les questions n°1 et n°2. Comme vous ne disposez pas de 4 heures pour traiter le sujet (puisque vous aurez déjà passé 1h30 à 2h à répondre aux deux premières questions), le développement de votre réflexion sera beaucoup moins long que pour une « véritable » dissertation, faite en 4 h.
Cependant, faites attention à bien jouer le jeu de l’exercice. L’expérience montre qu’au Baccalauréat de nombreux candidats se limitent à de vagues réponses sur la questions posée, sans construire de vrai plan – leurs réponses sont simplement juxtaposées – et sans vraiment donner d’arguments pour les justifier.
Dans ce tutoriel, je vous rappelle donc les bases de la dissertation, mais adaptées à l’exercice que l’on vous demande de faire ici.
1. Les bases de la dissertation adaptées à la question n°3 de l’étude de texte
Les bases qui restent valables
Même s’il ne vous reste plus que 2 heures ou 1h30, pour traiter la troisième question, il faut commencer par faire un brouillon. Ne rédigez jamais vos idées, directement au propre, « au fil de la plume ».
Sur ce brouillon, vous analyserez la question du sujet et établirez un plan. (cf mon exemple d’application plus bas).
De plus, l’exercice que l’on vous demande de faire, dans cette question, est une dissertation : votre travail doit donc avoir la forme d’une dissertation. Vous devrez ainsi construire votre réflexion, en trois étapes essentielles :
– une introduction ;
– un développement (en 2 ou 3 parties) ;
– une conclusion.
Séparez bien matériellement ces différentes parties (en passant quelques lignes entre elles).
Dans l’introduction, il faut commencer par une « accroche », une « amorce » (comme un exemple, ou des définitions des termes) qui permet d’amener le sujet. Puis, il faut réécrire telle quelle la question du sujet. Et enfin, il faut poser votre problématique. Vous pouvez ensuite annoncer le plan que vous suivrez, dans votre développement.
Dans le développement, il faut apporter des réponses à votre problématique (et donc indirectement à la question de départ), tout en les argumentant. Trouvez au moins trois idées différentes par parties. Ne les juxtaposez pas, mais progressez naturellement de l’une à l’autre.
Les définitions des termes clefs devront se retrouver au début de la première partie (ou au fur et à mesure des différentes parties, si vous faites progresser votre réflexion, sur des sens différents des termes).
Il est recommandé d’illustrer certaines idées, par l’analyse d’un exemple, mais n’en donnez pas systématiquement, à chaque idée !
Dans la conclusion, vous devrez donner une réponse nette (même si elle est souvent nuancée) à votre problématique et à la question posée au départ.
Pour le plan à suivre, je vous invite à consulter le troisième point, plus bas.
Les particularités de la dissertation, dans l’exercice de l’étude de texte
Il y a trois différences essentielles avec la dissertation en 4 heures :
(1) vous disposez de moins de temps, que si vous aviez pris la dissertation (sujet 1 et sujet 2 de l’épreuve);
(2) le sujet sera nécessairement en rapport avec le texte;
(3) si vous avez pris l’étude de texte, c’est que vous ne vous sentez pas à l’aise avec la dissertation !
Reprenons chacune de ces différences :
(1) On ne vous demandera pas de trouver autant d’idées, ni de développer autant. Cependant, gardez à l’esprit qu’une réflexion d’une feuille recto-verso est quand même le minimum attendu !
(2) Cette particularité fait que la thèse du texte ou certaines de ses idées peuvent vous servir d’éléments de réflexion. Faites cependant attention à ne pas tomber dans la facilité : réexpliquez bien la thèse de l’auteur ainsi que son argumentation. Et surtout, ne vous contentez pas de cette seule idée, mais trouvez en qui viennent de vos propres connaissances et de votre propre réflexion !
(3) Si vous avez pris le 3e sujet (l’étude de texte), c’est que vous ne vous sentez certainement pas à l’aise avec l’exercice de la dissertation. Or, on vous demande justement d’en faire une !
Je vous conseille donc :
– a) de respecter les règles vraiment essentielles : définition des termes clefs et argumentation de vos idées;
– b) de simplifier ce qui est difficile :
– si vous ne trouvez pas de problématique, indiquez quand même une difficulté que le sujet vous semble soulever;
– si vous avez vraiment du mal avec le plan, simplifiez en faisant un plan du type « plutôt OUI, mais … » ou bien à l’inverse : « certes OUI, mais plutôt NON ».
Ces plans reviennent à un plan couramment désigné sous le nom de « thèse/antithèse », mais ne sont pas présentés de la même manière, car ils vous évitent tout bonnement de vous contredire, en faisant déjà apparaître, tout au long du développement, votre propre point de vue (argumenté) sur la question.
2. Exemple d’application
Pour le texte de Sénèque, que j’ai étudié, au cours des précédents tutoriels, la troisième question était : « Sommes-nous responsables de notre bonheur ? »
Mes idées au brouillon
Travail de définition des termes clefs :
– Le bonheur est un état de pleine satisfaction. Cet état peut être atteint de deux manières. Tout d’abord, la pleine satisfaction est obtenue, quand nous ne ressentons plus aucun manque. Tous nos désirs sont alors satisfaits. Mais, on peut objecter que satisfaire tous nos désirs est impossible. Ainsi, la satisfaction ressentie dans le bonheur vient du fait que nos manques (nos désirs qui restent à satisfaire) ne nous font pas souffrir, mais au contraire, nous stimulent pour progresser.
De plus, cet état de pleine satisfaction peut être obtenu, par différents moyens : pour les uns, ce sera l’argent, la possession de biens matériels, la gloire ou le pouvoir, alors que pour d’autres, ce seront des biens immatériels : comme l’amour, l’amitié, les vertus morales.
– être responsable de : être responsable de quelque chose (ici de notre propre état), c’est en être tout d’abord l’auteur, la cause. Notre bonheur est créé par nous-même, il ne dépend pas de quelqu’un d’autre ou de circonstances extérieures. Mais, la notion de « responsabilité » contient une nuance, par rapport à la simple notion de « cause ». « Etre responsable de », c’est devoir rendre des comptes, dans le cas où notre action manquerait son but et causerait du tort, notamment à autrui. Ainsi, être responsable de son bonheur revient à ne pas nous chercher d’excuses ou à ne pas rejeter la faute sur autrui, si nous ne parvenons pas à atteindre ce but.
– « nous » : qui désigne-t-il ? Ce pronom pluriel peut désigner un « je » (bonheur personnel) ou bien un groupe de personnes (bonheur collectif)
Recherche de problématique :
Pour trouver une problématique, il faut se demander ce qui peut bien être paradoxal (contradictoire) à affirmer que nous serions responsables de notre bonheur.
Le bonheur est un état qui dépend de ce que nous faisons et de ce qui nous arrive. Or, nous pouvons échouer et ne pas atteindre un but que nous visions. De même, ce qui nous arrive peut dépendre de circonstances extérieures et nous rendre malheureux.
Ainsi, affirmer que nous serions responsables de notre bonheur reviendrait à dire que nous sommes maîtres de tout ce qui nous arrive et de tout ce que nous faisons ; ce qui est exagéré !
Formulation de la problématique : Comment pouvons-nous nous estimer maîtres de notre bonheur, alors qu’il repose, en partie, sur ce qui ne dépend pas de nous ?
Idées « en vrac » :
Mon conseil : Notez toutes les idées qui vous viennent à l’esprit, par rapport à la question de départ et par rapport à votre problématique, sans vous préoccuper, pour l’instant du plan.
– nous sommes acteurs de notre bonheur, dans la mesure où il n’est pas produit par le destin, et dans la mesure où la chance n’y joue qu’une part minime. En effet, nous devons surtout savoir la saisir et l’utiliser, quand elle arrive.
– nous serons davantage maîtres de notre bonheur, si nous le faisons reposer sur des biens immatériels, que si nous le faisons reposer sur des biens matériels. En effet, ces derniers dépendent, en grande partie, des autres. Par exemple, la gloire dépend de la renommée que nous avons, auprès d’un certain public et celle-ci peut disparaître très vite.
– Il faut nous considérer responsables de notre bonheur (et donc aussi de notre malheur), pour ne pas chercher des excuses, quand nous tombons, dans le malheur.
– Les individus sont responsables de leur bonheur collectif, car celui-ci dépend du comportement individuel de chacun.
– idée inspirée des stoïciens : nous sommes responsables de notre bonheur, car celui-ci ne repose pas sur ce qui nous arrive ou sur ce que nous faisons, mais sur l’interprétation que nous faisons de ce qui nous arrive ou de ce que nous faisons. Exemple de Viktor Frankl, qui a été prisonnier dans un camp de concentration.
– nous sommes responsables de notre bonheur, dans la mesure où il repose sur la recherche constante de nouveaux désirs à satisfaire. En effet, nous pouvons choisir de ne pas tomber dans des plaisirs, qui peuvent facilement conduire à des excès, pour nous tourner vers la recherche de satisfactions, qui font en même temps progresser notre être.
Ma dissertation
Je vous donnerai le plan de dissertation rédigé, dans le prochain tutoriel, pour ne pas surcharger celui-ci !
3. Exercice d’entraînement
Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site). Un corrigé vous sera proposé dans le Tutoriel n°5. |
La troisième question du texte de J.S. Mill (donné dans le corrigé ci-dessous) posait la question suivante :
« Est-il illégitime de contraindre autrui, pour son propre bien ? ». Travaillez ce sujet au brouillon, sur les trois points suivants :
– définition des termes clefs ;
– recherche de la problématique ;
– recherche d’idées en vrac ;
4. Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°3
Avez-vous bien fait l’exercice du Tutoriel n°3 , avant de lire sa correction ?
(1) La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. (2) Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. (3) Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. (4) Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s’il agit autrement. (5) La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu’un d’autre. (6) Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres. (7) Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. (8) Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.
John Stuart MILL |
a) Expliquez : « Contraindre quiconque pour son propre bien, (…) ne constitue pas une justification suffisante »
Contraindre quelqu’un revient à l’empêcher d’avoir le choix, et donc de décider par lui-même, autrement dit d’user de sa liberté. Pour que la contrainte soit efficace, il faut que la personne fasse ce qu’on lui dise, malgré le fait qu’elle n’en ait pas envie. Le manque d’envie est en général compensé par une menace que l’on fait peser sur la personne, pour sa vie ou pour sa liberté. Si elle n’obéit pas, elle ira en prison ou sera exécutée.
Or, on peut tenter de justifier une contraindre, en invoquant le fait que si on empêche la personne d’user de sa liberté, ce n’est pas pour satisfaire quelqu’un d’autre, mais c’est pour son propre bien. La notion de bien est très large est peut désigner ce qui est utile à la personne, ce qui est favorable à sa vie ou à sa santé, ou ce qui serait susceptible de lui donner un avenir meilleur. Le bien peut également désigner ce qui contribue au bonheur de la personne ou à ses qualités morales.
Cependant, pour J.S. Mill, contraindre quelqu’un, même pour son propre bien ne constitue pas une justification suffisante. En effet, l’individu est le seul maître des décisions et des actes qui n’ont de conséquences que sur lui. Ainsi, donner une justification suffisante consisterait à montrer que ses actes ont non seulement des conséquences négatives sur lui, mais aussi et surtout sur les autres.
b) Quelle différence y a-t-il entre « faire des remontrances, (…) raisonner, (…) persuader ou (…) supplier » et « contraindre ou (…) causer du tort » ?
« Faire des remontrances » consiste à faire un discours moralisateur à la personne, en lui affirmant que la manière dont elle agit est dangereux pour elle ou immorale. Cependant, ces remontrances ne sont pas nécessairement suivies d’explications, de justifications.
Par contre, « raisonner » quelqu’un consiste non seulement à lui faire des reproches, mais surtout à lui expliquer pourquoi. Par exemple, si nous disons à la personne que ce qu’elle fait est dangereux pour elle, nous allons lui expliquer en quoi elle prend des risques pour sa propre santé ou sa propre vie. De même, si nous lui objectons que son comportement est immoral, vis à vis d’elle-même, nous allons lui montrer qu’elle ne se traite finalement pas comme une personne humaine, mais plutôt comme un objet.
c) Expliquez : « Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres ».
La conduite d’un individu est constituée d’un ensemble d’actions et de comportements. Ces actions peuvent ne concerner que la personne ou bien avoir des conséquences sur les autres membres de la société. Cette distinction reste bien sûr schématique, car on ne peut pas être certain qu’une action n’aura jamais de conséquences sur autrui. Par exemple, quelqu’un qui fume met en danger sa propre santé, mais indirectement celle des autres (tabagisme passif). De même, s’il en meurt, il ne tue certes pas la vie d’autrui, mais sa propre mort rendra ses proches malheureux. Par contre, il est certain qu’un voleur ou qu’un meurtrier ont une conduite qui touche directement d’autres membres de la société.
Or, nous avons vu que tant que la conduite d’un individu ne concernait pas autrui, il en restait le seule maître et le seul juge, au nom du principe de la liberté individuelle. Par contre, dès que sa conduite a des effets négatifs sur les autres, alors la société (par l’intermédiaire des lois et de la justice) a le droit d’empêcher cet individu de continuer à nuire ou de le punir pour ce qu’il a fait. Cela se justifie par le même principe : celui de la liberté individuelle. En effet, par ses actes négatifs, l’individu limite la liberté des autres et touche même à leur intégrité physique et morale (par l’usage de la violence physique ou verbale).
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