Dans cet article, je ne vous parlerai pas de la fiche de lecture, entendue comme résumé de lecture. Pour moi, une fiche est une feuille de papier cartonnée, de petites dimensions. Elle ne peut donc contenir qu’un petit nombre d’ informations. Je m’inspire des conseils que donne Jean Guitton, dans son livre, Le travail intellectuel. Il parle de notes (de lecture), dont l’ensemble, classé et rangé verticalement, forme des fiches. Il préconise ainsi de nous constituer « des notes significatives, dynamiques, variantables ».
Une fiche de lecture sur … la fiche de lecture !
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verso de la fiche |
A quoi sert une fiche de lecture ?
L’intérêt de la fiche de lecture réside tout d’abord dans sa conception elle-même. En effet, rédiger une fiche vous évite de faire une lecture passive, en vous forçant à sélectionner et donc à comprendre les connaissances que vous lisez.
Ensuite, la consultation régulière de son contenu vous permet d’assimiler ces connaissances et de vous constituer peu à peu une bonne culture générale. Mais, ce n’est pas tout ! En lisant vos nouvelles fiches à la lumière de vos anciennes et vice-versa, vous ferez de nouvelles connexions entre vos idées et vous enrichirez par là-même votre réflexion.
Enfin, une fiche de lecture n’a vraiment d’intérêt que lorsqu’elle est classée, parmi d’autres fiches. Constituer un ensemble de fiches vous permet de bâtir un véritable réseau de connaissances et d’approfondir celles qui vous intéressent plus particulièrement, par la rédaction d’autres fiches.
Comment constituer une fiche de lecture ?
Le matériel
Je vous recommande d’utiliser des fiches bristol de dimension 15 x 10,5 cm, dont le format permet de mettre une quantité d’informations suffisante : ni trop, ni trop peu ! Votre fiche doit, en effet, synthétiser des connaissances, mais être assez explicite, pour que vous puissiez la relire, tout en la comprenant, quelques mois (ou même quelques années), après l’avoir rédigée !
Le contenu
Votre fiche devra contenir les informations suivantes
– sujet principal de la fiche ;
– référence (livre, revue, etc.) qui a servi à constituer la fiche ;
– sa date de rédaction ;
– connaissances tirées du texte consulté. Si le texte est long, décomposez-le, en éléments et rédigez alors plusieurs fiches sur chacun de ces éléments.
– autres notions clefs auxquelles votre fiche renvoie. Ce détail est important, car vos fiches vous permettent ainsi, d’économiser vos efforts. Vous n’apprenez qu’un seul contenu, mais qui peut être mobilisé pour traiter différents sujets de dissertation ou d’explication de texte, à l’écrit, ou de colles à l’oral.
– renvois à d’autres fiches existantes ou à constituer.
La disposition de ces informations
Consultez les trois exemples suivants, pour savoir comment disposer toutes ces informations, sur votre fiche et notamment la première, pour laquelle je donne des explications détaillées.
Trois exemples de fiche de lecture
Premier exemple : fiche de lecture sur un texte philosophique
Je rédige une fiche de lecture sur la définition que donne Sextus Empiricus du scepticisme :
« Le scepticisme est une faculté, un pouvoir d’opposer représentations sensibles et conceptions intellectuelles de toutes les manières possibles, pour en arriver, étant donné l’égale force propre aux choses sensibles et aux raisons, d’abord à l’équilibre mental qui caractérise la suspension du jugement et ensuite à la quiétude de l’âme. » (in Les Sceptiques Grecs, textes choisis par J.-P. Dumont, PUF, 2e édition 1989)
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Le recto de ma fiche contient :
1. Le sujet de la fiche et sa source :
Scepticisme. Définition.
Sextus Empiricus (Hypotyposes I, 8-10)
2. Des renvois à d’autres termes clefs : phénomène, vérité,réel et raison, liberté, bonheur.
3. Le texte lui-même, que je compte apprendre par coeur (non écrit dans la fiche ci-dessus, conçue pour le site).
4. Des informations importantes tirées de cette définition et expliquées (pour m’assurer que je comprendrai bien ce qui est écrit sur ma fiche, quand je la relirai), ainsi que quelques commentaires.
– scepticisme = pouvoir, faculté. Va à l’encontre de l’image du sceptique irrésolu. Mais scepticisme = pouvoir qui nous libère du désir de connaissance et de ses tracas.
– « opposer… de toutes les manières possibles » : opposer représentations sensibles entre elles (tour ronde de loin /carrée de près), opposer conceptions entre elles (démonstration existence Providence par l’ordre céleste / démonstration de sa non existence par injustices), opposer représentations et conceptions (ex. de la couleur de la neige et de celle de l’eau)
Le verso de ma fiche contient :
1. La suite des informations sur la définition :
– équilibre mental : ne pas être déterminé à juger d’un côté plutôt que de l’autre. opposé au doute instable, qui nous tiraille entre le pour et le contre.
– quiétude de l’âme : n’est pas provisoire, comme celle que donne la certitude au dogmatique (car sera annulée par ce qui contredit sa conviction). Ne pas croire au bien et au mal par nature (croyance qui est cause de notre inquiétude)
2. La date de composition de ma fiche
3. Des renvois à d’autres fiches : Descartes : le doute radical, Husserl : la suspension de jugement, Epicure : l’ataraxie.
4. Une précision sur la référence (titre du livre d’où est tirée la citation)
Deuxième exemple : fiche sur une oeuvre d’art
Cette fiche résume l’analyse que fait Ernst Gombrich d’un tableau de Picasso, Violon et raisins, de 1912 (E. Gombrich, Histoire de l’Art, pp. 455-461, éd. Flammarion, 1992)
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Troisième exemple : fiche de lecture sur une expérience scientifique
Je rédige une fiche de lecture sur une expérience scientifique présentée dans le livre de Michel Rival, Les grandes expériences scientifiques (éd. du Seuil, coll. Points Sciences, 1996), au chapitre intitulé : « 1828 : Du vitalisme à la chimie organique » (pp. 81-84)
Je vous ai mis ici les images des vraies fiches bristol (cliquez dessus pour les agrandir) :
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Remarques
– La première difficulté est de trouver un titre assez général et rapidement lisible pour ma fiche. Le premier essai : « Expérience de chimie organique contre la théorie vitaliste » s’avère trop long ! Je prèfère :
« VITALISME / MECANISME
Expérience de F. Wöhler (1828) »
– La deuxième difficulté est de savoir s’il est vraiment nécessaire de relever des informations scientifiques, à savoir, le nom de toutes les molécules mises en jeu dans l’expérience. Je préfère rester dans les généralités : Wöhler réussit à synthétiser une composé organique(l’urée), à partir d’un composé non organique (le cyanate d’ammonium)
Comment utiliser vos fiches de lectures ?
Faire des fiches est bien, mais le plus important est de vous en servir régulièrement !
1) Interrogez-vous sur vos connaissances. Prenez un paquet de fiches, lisez seulement le sujet et essayez de vous rappeler le maximum d’informations.
2) Relisez régulièrement vos fiches (ou une partie), pour ne pas finir par oublier ce que vous savez et pour réapprendre ce que vous avez oublié. Cette régularité vous permet aussi d’affûter les réflexes de votre cerveau, quand vous lui demanderez d’aller rechercher ces connaissances dans votre mémoire, le jour J.
3) Complétez, par d’autres fiches, que vous intercalerez entre les anciennes. Choisissez le type de classement qui vous convient le mieux : par ordre alphabétique des notions clefs, par ordre chronologique de constitution des fiches, par domaines de savoir, par auteurs, etc.
4) Il est intéressant aussi de changer l’ordre de classement de vos fiches, parce que cela permet de réviser les mêmes contenus de connaissance, mais présentés de manière complètement différente. Par exemple, si vous avez constitué des fiches sur la connaissance, la morale, l’art et que vous avez renvoyé, sur certaines, à Kant, vous pouvez sortir toutes les fiches sur Kant, etc. Consulter ce paquet précis de fiches, vous donnera une bonne vision de sa philosophie, dans ces différents domaines.
