Ma méthode pour corriger les copies, pendant l’année, repose sur l’un des principes de base de la PNL : « la carte n’est pas le territoire ». Ce principe s’inspire lui-même de l’enseignement de la philosophie stoïcienne : ce ne sont pas les choses qui nous affectent, mais le jugement que nous portons sur elles. Or, il se dit bien des plaintes, parmi les enseignants, sur la correction des copies ! Alors, plutôt que d’avoir cette attitude réactive, j’ai choisi d’adopter une attitude proactive, qui me permet de corriger mes copies, sereinement. Dans cet article, je vous explique les principaux points de ma stratégie.
1. Les jugements et attitudes négatifs, face à la correction de copies.
« J’ai passé mon week-end à corriger des copies », « je me suis laissé(e) déborder par les copies », « j’ai X paquets de copies à corriger, pendant les vacances. » Ce sont sûrement des phrases que vous entendez prononcer, de la part de collègues, ou que vous dites vous-même. Si vous regardez bien, vous utilisez un vocabulaire de plainte, qui vous met en position de faiblesse psychologique, par rapport à … de simples copies ! Vous leur attribuez un pouvoir sur vous-même !
Cette attitude réactive va se retrouver, quand vous allez vous mettre à corriger les copies : tergiversation, procrastination, manque de concentration, quand vous corrigez, ou abandon après quelques copies. Vous vous y mettez finalement, quand vous êtes poussé, par l’urgence.
Pourquoi ce vocabulaire et cette attitude ? Vous ne faites que répéter les plaintes de vos collègues, dans une sorte de consensus collectif. Mais, ne vous êtes-vous jamais demandé, si un autre vocabulaire et une autre attitude étaient possibles ?
2. Changez pour un vocabulaire et une attitude proactifs
Avoir un vocabulaire positif
En ce qui me concerne, je transforme les phrases négatives en énoncés positifs :
– « J’ai passé mon week-end à corriger des copies. » devient : « Je pars en week-end et je corrige les copies. » Avoir des copies à corriger ne m’empêche pas de partir en week-end !
– « Je me suis laissé(e) déborder par les copies. » devient : « Je vais leur faire la fête ! « . Cette phrase combative (mais humoristique) a pour but de me mettre dans un état d’énergie positive.
– « J’ai X paquets de copies à corriger, pendant les vacances. » : « Je ne corrige jamais de copies, pendant les vacances. » Autrement dit, je m’arrange pour ne jamais donner de devoirs la dernière semaine de cours. Ou alors, j’en donne seulement un, au début de la semaine, et je m’arrange, pour le corriger, avant la fin de cette même semaine.
Adapter son attitude
Observez votre attitude face à la correction des copies et ne vous laissez pas entraîner, dans la « mauvaise pente ».
Pour ma part, j’ai observé deux points :
– Plus j’attends, pour me mettre à corriger et moins j’ai envie de corriger. Solution : je m’y mets le jour même où je reçois les copies (cf. mon article, sur ce point.)
– Me mettre à corriger des copies est le plus difficile : une fois la machine lancée, tout roule ! Solution : je résiste à la tentation de remettre ce travail à plus tard.
J’ai pour cela plusieurs techniques :
– l’invocation : « pas de tergiversation, de l’action ! », « Aucune négociation possible ! ». En effet, l’idée est de couper court à ce que j’appelle notre tendance à l’auto-sabotage. Quand la petite voix se fait entendre, je l’attends de pied ferme, en lui donnant ces ordres.
– la visualisation mentale. Cette technique est très puissante, car elle permet de me conditionner à corriger, même si je n’en ai pas envie !
3. Mon temps moyen de correction par copies est de 10 minutes
Je veux vous démontrer ici que passer plus de 10 minutes sur une copie (de longueur moyenne) est inutile. Les témoignages de collègues vont de 20 à 30 minutes. J’ai même lu récemment un article, dans lequel un collègue disait mettre 40 minutes, ce qui est, à mon sens, complètement aberrant !
La longueur moyenne d’une copie
Il est difficile d’estimer une longueur moyenne, mais disons que 5 ou 6 pages de copies « grand carreaux » est une bonne estimation. Cela correspond au même nombre de pages qu’un livre de poche. Mettez-vous 30 minutes, pour lire 5 ou 6 pages d’un livre de poche ?
Personnellement non. J’ai calculé que je mets un peu plus d’une minute, par page, en lisant posément. Bien entendu, il me faut beaucoup plus de temps, quand je lis et que je travaille les textes d’auteurs philosophiques, que j’estime difficile à comprendre, au premier abord, comme Hegel ou Husserl.
Notre niveau d’études
En suivant des études supérieures et en ayant, pour la plupart d’entre nous, passé les Concours, nous avons été formés à lire des textes très compliqués. Or, quel est le niveau de difficulté de compréhension d’une copie d’élève de Terminale ? Il est proche de zéro ! C’est un simple constat de ma part et aucunement un reproche, puisque nous corrigeons les devoirs d' »apprentis-philosophes ». Ce que nos élèves écrivent peut être tout à fait intéressant et gratifiant, mais n’est aucunement difficile à comprendre.
Le cas des copies difficiles à comprendre
Justement, me direz-vous, les copies les plus longues à corriger sont celles qui sont difficiles à comprendre à cause de leur caractère confus, décousu, etc. Je vous répondrai, qu’en tant que correcteurs, nous n’avons pas à essayer d’interpréter ce qui n’est pas explicite, dans une copie. Je veux bien relire une ou deux fois un passage difficile à comprendre sur une copie, mais ensuite, j’arrête, en concluant que son auteur n’a pas exprimé ici clairement sa pensée.
Les annotations
Les annotations, en marge de la copie, et le commentaire général, qui justifie la note, prennent aussi du temps. Cependant, les annotations doivent être en nombre raisonnable et leur longueur assez courte. En effet :
– les copies rendues aux élèves sont vite rangées ! Autrement dit, pour beaucoup c’est – malheureusement – la note qui compte et seulement la note.
– faites aussi attention au besoin d’auto-justification de votre note ou au besoin de « jouer le professeur », sur la copie – Je vais te montrer moi, comment il faut réfléchir – qui allongent considérablement la longueur des annotations et donc du temps de correction.
Les annotations doivent être précises et ciblées :
– pour aider l’élève à progresser;
– pour nous guider dans notre notation finale.
Je consacrerai un prochain article sur ce point.
Les copies où l’on passe réellement du temps
– Ce sont les copies, pour la plupart, excellentes, qui avoisinent les deux copies doubles.
– Ce sont les copies, où il peut y avoir suspicion de tricherie. Pour ma part, je ne donne plus de devoir à faire à la maison, à cause de ce problème. En effet, prouver qu’il y a eu tricherie prend beaucoup de temps, car je ne veux pas suspecter à tort un élève.
Conclusion
Je fais une grande différence entre être efficace et rapide, dans un travail et le « bâcler ». Les stratégies que je vous ai présentées demandent que vous soyez concentré à 100%, pour justement faire du « bon travail ».
J’ai remarqué que les collègues qui mettent le plus de temps à corriger sont aussi ceux qui, dans leur grande majorité, sont les plus facilement distraits, pendant leur correction : ils pensent à autre chose ou s’interrompent souvent.
Faites également très attention aux directives parentales que vous avez reçues, pendant votre enfance, et qui façonnent votre représentation de la manière dont vous travaillez, ainsi que l’estime que vous vous portez. Si cette directive est, par exemple : « il faut travailler dur, dans la vie », alors il n’est pas étonnant que vous passiez du temps sur vos copies, pour respecter cette directive. Dans le cas contraire, vous perdriez en effet l’estime de vous-même. Pour ma part, celle dont je me souviens est : « Fais tes devoirs d’abord et tu iras t’amuser après! » Finalement toute ma philosophie de la correction des copies et de l’organisation de mon travail vient peut-être de là !
Et vous ? Faites-nous part de votre expérience de la correction de vos copies !
