Dans le Tutoriel n°4, je vous ai proposé une problématique, des définitions des termes, ainsi que des idées de réflexion, pour le sujet : « Sommes-nous responsables de notre bonheur ? » Dans ce Tutoriel, je vous montre comment rédiger une introduction, organiser vos idées, en fonction d’un plan et rédiger une conclusion sur ce sujet. J’en profite également pour vous rappeler les principales consignes à respecter, pour faire une dissertation de philosophie.
L’introduction de votre dissertation
Consignes générales
Même si la dissertation proposée dans l’étude de texte est nécessairement moins longue qu’une « vraie » dissertation en quatre heures, il vous faut rédiger une introduction, selon la même structure :
– une amorce (pour introduire le sujet, c’est-à-dire justifier pourquoi on se pose cette question);
– le sujet (réécrivez le bien tel quel, sans changer un mot)
– votre problématique (nous sommes bien d’accord qu’il s’agit d’une question différente du sujet, au cas où cela ne serait pas encore clair pour vous !)
Introduction proposée
Dans l’Odyssée Ulysse, de retour de la guerre de Troie, est retenu loin de sa patrie Ithaque, par la colère du Dieu Poséidon. En même temps, il a pour protectrice la déesse Athéna, qui l’aide dans son retour. Les Anciens considéraient que le bonheur humain était dépendant de la volonté des dieux ou même du Destin. Cependant, les progrès de la raison nous font aujourd’hui penser que « la destinée » n’y est pour rien dans notre bonheur et que cet état de pleine satisfaction se construit par notre propre volonté. Sommes-nous alors responsables de notre bonheur ? La réalisation de cet état dépend tout d’abord de notre volonté. Toutefois, nous pouvons rencontrer des obstacles, que nous n’avions pas prévus ou que nous ne pouvons pas surmonter. Le problème qui se pose est donc le suivant : comment pouvons-nous nous estimer maîtres de notre bonheur, alors qu’il repose, en partie, sur ce qui ne dépend pas de nous ?
Le plan de la dissertation
Principales consignes à respecter
Là encore, la rédaction du développement de votre dissertation sera moins longue que celle d’une « vraie » dissertation en 4 heures. Cependant, il vous faut en respecter les principales règles du jeu :
Dans chaque partie :
– Proposez au moins trois idées différentes par parties (pour qu’il y ait du « contenu »);
– Faites toujours suivre vos idées par un ou plusieurs arguments qui la justifie;
– Analysez un exemple, pour illustrer une idée (mais ne donnez jamais un exemple pour chaque idée, car cela alourdirait trop votre propos);
– Pensez à bien articuler vos idées entre elles, selon une logique qui fasse progresser la réflexion, pour éviter de les juxtaposer.
Structure du plan global
Faites attention à ne pas faire la caricature d’un plan, en proposant le pour et le contre (Certains pensent que … D’autres pensent que…). Quand vous commencez à rechercher votre plan, en fonction des idées que vous avez trouvées, demandez-vous à quelle conclusion vous voulez aboutir. Allez-vous plutôt répondre OUI à la question posée ou NON ? Quand vous avez déterminé votre opinion à ce sujet, alors vous pouvez procéder de deux manières, pour l’organisation de votre plan.
1) Le plan « de base » (à choisir, si vraiment vous avez des difficultés avec la dissertation de philosophie !)
I. Définition des termes du sujet
II Le bonheur semble dépendre de circonstances indépendantes de nous.
III Néanmoins, nous sommes bien responsables de notre bonheur.
Entre nous, pour m’exprimer familièrement, mais selon une image que vous comprendrez facilement : ce plan « ne casse pas trois pattes à un canard ». Seulement mon expérience de correctrice au Baccalauréat Technologique m’indique que peu de copies vont jusque là. Si vous faites l’effort de rédiger des définitions précises, de mettre différentes idées avec leurs arguments et d’analyser un exemple, en fonction de votre réflexion, alors le correcteur le remarquera et valorisera la notation de votre copie.
2) Le plan « plus subtil » (à recommander)
Si vous arrivez à bien voir que les termes du sujet ont plusieurs sens (ce qui arrive très souvent), alors vous pouvez faire jouer votre plan, sur ces sens, en réfléchissant au sujet, dans les différentes parties, selon les différents sens des termes.
I. Si le bonheur se définit comme un état où tous nos désirs sont comblés, alors nous ne pouvons pas en être responsables, car il dépendra toujours de circonstances extérieures à nous (Remarque : j’utilise ici le premier sens du terme « bonheur »)
II Par contre, si le bonheur se définit comme la satisfaction de désirs toujours nouveaux, alors (à condition certes de rester mesurés), nous en sommes bien responsables. (Remarque : j’utilise ici le deuxième sens du terme « bonheur »)
III Cependant, il est facile de rejeter la responsabilité de notre malheur, sur autrui : comment faire alors pour garder la pleine responsabilité de notre bonheur, quoi qu’il nous arrive ? (Remarque : ici je prends le terme « responsabilité » en son deuxième sens.)
Plan proposé (attention il ne s’agit pas d’un développement entièrement rédigé)
I. Si le bonheur se définit comme un état où tous nos désirs sont comblés, alors nous ne pouvons pas en être responsables, car il dépendra toujours de circonstances extérieures à nous (Remarque : j’utilise ici le premier sens du terme « bonheur »)
§1 Le bonheur est défini comme un état de pleine satisfaction. Cette pleine satisfaction est obtenue, quand nous ne ressentons plus aucun manque. Tous nos désirs sont alors satisfaits. En règle générale, ces désirs portent sur des biens matériels, comme l’argent, ou sur ce qui satisfait notre ego (comme la gloire, le pouvoir). Dans ce cas, pouvons-nous être responsables de notre bonheur ?
§2 Affirmer que nous sommes responsables de notre bonheur, c’est dire que nous en sommes tout d’abord les auteurs, la cause. Notre bonheur est créé par nous-mêmes, il ne dépend pas des autres ou de circonstances extérieures.
§3 Cependant que désigne exactement le pronom « nous », dans la question posée ? Ce pronom, qui est à la première personne du pluriel, peut désigner un « je » (bonheur personnel) ou bien un groupe de personnes (bonheur collectif).
§4 Or, si nous faisons reposer notre bonheur sur des biens matériels, qui sont censés combler nos manques, pouvons-nous vraiment atteindre un état de plénitude ? En effet, ces derniers dépendent, en grande partie, des autres. Exemple de la gloire qui dépend de la renommée que nous avons, auprès d’un certain public et qui peut donc disparaître très vite.
§5 De plus, nous pouvons objecter que satisfaire tous nos désirs est impossible. Ainsi, ne faut-il pas redéfinir ce qu’est le bonheur, si nous voulons en être responsables ?
II Par contre, si le bonheur se définit comme la satisfaction de désirs toujours nouveaux, alors (à condition certes de rester mesurés), nous en sommes bien responsables. (Remarque : j’utilise ici le deuxième sens du terme « bonheur »)
§1 Le bonheur ne peut pas être un état, dans lequel nous ne ressentons plus aucun manque. Mais, la pleine satisfaction ressentie dans le bonheur vient du fait que nos manques (nos désirs qui restent à satisfaire) ne nous font pas souffrir, mais au contraire, nous stimulent pour progresser.
§2 En général, une telle conception du bonheur repose sur la recherche de biens immatériels, comme l’amour, l’amitié, les vertus morales.
§3 Nous sommes alors bien responsables de notre bonheur, car nous pouvons choisir de ne pas tomber dans des plaisirs, qui peuvent facilement conduire à des excès, pour nous tourner vers la recherche de satisfactions, qui font en même temps progresser notre être. Exemple de l’épicurisme qui rejette les désirs vains, pour nous limiter à la satisfaction des besoins nécessaires, mais nous invite aussi à cultiver l’amitié.
§4 De même, les hommes sont responsables de leur bonheur collectif, car celui-ci dépend du comportement individuel et donc des choix de chacun.
§5 Cependant, notre recherche du bonheur semble être compromise, par des événements que nous qualifions de « malheureux » et qui ne dépendent pas de nous (comme la mort d’un proche ou la maladie). Comment alors garder la pleine responsabilité de notre bonheur, quoi qu’il nous arrive ?
III Cependant, il est facile de rejeter la responsabilité de notre malheur, sur autrui : comment faire alors pour garder la pleine responsabilité de notre bonheur, quoi qu’il nous arrive ? (Remarque : ici je prends le terme « responsabilité » en son deuxième sens.)
§1 La notion de « responsabilité » contient une nuance, par rapport à la simple notion de « cause ». « Etre responsable de », c’est devoir rendre des comptes, dans le cas où notre action manquerait son but et causerait du tort, notamment à autrui. Ainsi, être responsable de notre bonheur revient à ne pas nous chercher d’excuses ou à ne pas rejeter la faute sur autrui ou sur la « malchance », si nous ne parvenons pas à atteindre ce but.
§2 Nous sommes acteurs de notre bonheur, dans la mesure où il n’est pas produit par le destin, et dans la mesure où la chance n’y joue qu’une part minime. En effet, nous devons surtout savoir la saisir et l’utiliser, quand elle arrive.
§3 Sur le plan moral, il faut nous considérer responsables de notre bonheur (et donc aussi de notre malheur), pour ne pas chercher des excuses, quand nous tombons dans le malheur. En effet, si nous tombons dans cette facilité, alors nous perdons la maîtrise de notre bonheur.
§4 Le même raisonnement vaut sur le plan collectif : un peuple ne doit pas rendre un autre responsable de ses « malheurs », s’il veut tirer les enseignements de ce qui lui est arrivé et ainsi progresser dans la recherche de son bonheur.
§5 Bien plus, nous sommes vraiment responsables de notre bonheur, car celui-ci ne repose pas sur ce qui nous arrive ou sur ce que nous faisons, mais sur l’interprétation que nous faisons de ce qui nous arrive ou de ce que nous faisons. Exemple de Viktor Frankl, qui a été prisonnier dans un camp de concentration.
La conclusion
Consignes générales
La conclusion de votre dissertation doit clairement répondre à la question posée et à votre problématique. Bien entendu, vous aurez sûrement à nuancer votre réponse, car les questions posées en philosophie n’admettent que rarement des réponses vraiment tranchées !
Conclusion proposée
Ainsi, nous pouvons dire que nous sommes bien responsables de notre bonheur. Autrement dit, nous pouvons et même nous devons nous estimer maîtres de notre bonheur, bien qu’il repose, en partie, sur ce qui ne dépend pas de nous. En effet, certaines circonstances qui échappent à notre maîtrise ne doivent pas être considérées comme des obstacles irrémédiables à notre bonheur. Mais, c’est à nous d’apprendre à les accepter ou de nous y adapter le mieux que nous pouvons.
Voir le sommaire de l’ensemble des tutoriels sur l’étude de texte