Les résultats du CAPES interne de philosophie 2017 ont été publiés hier. Sur les trois étudiants qui ont suivi ma formation au CAPES interne et qui étaient tous admissibles à l’oral, deux ont malheureusement échoué et une étudiante, Emmanuelle Soubou, a brillamment obtenu la deuxième place.
Ces résultats sont l’occasion de faire un bilan de la première année de la formation que je propose au CAPES interne. Dans cet article, j’analyserai les facteurs qui, selon moi, ont contribué à la réussite ou à l’échec de mes étudiants. L’enjeu est de proposer une formation encore plus performante à mes futurs étudiants. Cette analyse vous sera également utile, si vous voulez passer ou repasser le concours interne, en 2018.
1. A l’issue de l’admissibilité, les compteurs sont remis à zéro : l’oral s’avère donc crucial
Le jury attribue à tous les dossiers RAEP, qui sont retenus pour l’admissibilité, la note de 12. Sans doute ne veut-il pas avantager les candidats qui ne seraient pas vraiment les auteurs de la production qu’ils rendent ou qui se feraient beaucoup trop aider. Toujours est-il que cette situation rend l’oral déterminant, d’autant que la sélection est très sévère : 42 candidats admissibles pour 15 postes au CAPES interne du public et 36 admissibles pour 15 reçus au CAPES interne du privé (CAER). La barre d’admissibilité était de 32 points pour l’interne public et de 30 points pour l’interne privé. Avec une note de départ de 12 et un coefficient 2, pour l’oral, il fallait donc avoir au moins 10 (pour l’interne public) et au moins 9 (pour l’interne privé), pour pouvoir être reçu.
L’opinion selon laquelle il est difficile de réussir le CAPES à la première tentative s’est avérée exacte, dans le cas de mes étudiants. En effet, l’étudiante reçue avait été admissible l’an dernier, alors que les deux autres étudiants présentaient le concours pour la première fois. Etre admissible à l’oral est donc déjà une belle performance ! Malgré nos nombreux entraînements entre les résultats de l’admissibilité et le début des oraux (cf. plus bas), ces deux étudiants ont été psychologiquement déstabilisés par les questions des membres du jury, même s’ils étaient bien conscients de leurs intentions bienveillantes.
Ma recommandation : si vous avez présenté le concours cette année, mais que vous avez échoué – notamment au stade de l’oral – je vous conseille de recommencer dès l’année prochaine. En effet, il faut profiter de la dynamique de travail que vous avez enclenchée cette année et garder le bénéfice de votre travail sur les 4 notions, qui restent au programme l’an prochain.
2. La nécessité de s’entraîner intensivement pour l’oral.
Pendant les 5 semaines qui se sont écoulées entre les résultats de l’admissibilité et le début du concours (je ne compte pas la semaine, pendant laquelle les trois étudiants ont passé les écrits de l’externe, qu’ils présentaient également), nous avons organisé 2 colles par semaine : une sur le vivant, une sur l’histoire, deux sur le désir, deux sur le bonheur, deux sur la raison et le réel, et deux sur l’Etat). Sans compter, que, pendant l’année, mes étudiants ont aussi bénéficié des 9 colles pour la préparation du CAPES externe.
La première difficulté de cette préparation spécifique à l’oral a été tout d’abord de maîtriser la durée de préparation très courte des exposés (2 heures), ainsi que celle plutôt longue des prestations (tenir au moins 25 minutes). Lors des premières colles, les trois étudiants ont été déstabilisés : certains ne faisant qu’un exposé d’à peine 20 minutes et d’autres n’ayant pas le temps de finaliser leur préparation (notamment pour la leçon). Mais bien vite, la durée de la préparation, ainsi que celle du passage ont été bien intégrées. Ainsi, à l’oral, aucun d’entre eux n’a eu de problème pour gérer le temps de préparation, ainsi que le temps de passage.
Ma recommandation. Même si le dossier RAEP constitue une composante importante du concours de l’interne, il ne faut pas négliger l’entraînement spécifique à l’oral, dès le début de votre préparation. Contrairement à votre production écrite que vous pouvez travailler dans la durée et « peaufiner », vous disposez d’un temps limité (et même très court, si on le compare aux 5 heures de préparation de la leçon, pour le CAPES externe) pour préparer une leçon ou une explication. A mon sens, au moins 6 oraux sont nécessaires pour vous habituer au format de l’exercice. Il est important également de simuler avec votre « colleur » un entretien, afin de vous habituer à répondre le plus aisément possible, aux questions du jury.
3. Un 17 à l’explication d’un texte de Hegel, pour mon étudiante qui a été reçue deuxième
Si je devais résumer en un mot ce qui a contribué le plus à la réussite de mon étudiante je dirai : le travail. Bien sûr, je ne dis pas que mes autres étudiants n’avaient pas travaillé … mais peut-être ont-ils manqué des connaissances qu’ils fallait justement avoir, à propos des sujets sur lesquels ils sont tombés.
Il est ainsi révélateur que mes deux étudiants malchanceux ont choisi leur sujet par défaut : l’une, ne connaissant pas bien Bergson, a donc pris la leçon et l’autre avait a priori décidé de prendre l’explication de texte, par manque de maîtrise de l’exercice de la leçon en un temps si court.
A contrario, l’étudiante reçue se sentait à l’aise pour traiter les deux sujets : elle a pu faire un véritable choix – et non un choix par défaut – en fonction de deux critères :
– la facilité trompeuse du sujet de la leçon (la question était : « le vivant peut-il être conçu comme une machine ? »). En effet, tout l’enjeu du sujet reposait sur le verbe qui avait été choisi pour articuler la réflexion sur le vivant et la machine. Le piège, dans lequel il ne fallait surtout pas tomber, était de faire un « topo » sans originalité sur la comparaison entre le vivant et la machine.
– sa bonne préparation des notions du programme et en particulier de l’histoire. Ainsi, le texte de Hegel, tiré de la Raison dans l’Histoire, qu’elle a eu à expliquer, ne l’a pas déconcertée et elle a pu y insérer des connaissances sur la philosophie de l’histoire hégélienne, de manière judicieuse, sans les plaquer artificiellement sur le passage.
La qualité de sa prestation (introduction contenant bien la thèse, la problématique, ainsi que la structure argumentative du texte, puis explication du passage dans le détail, illustrée d’exemples précis) a été appréciée par le jury, puisqu’elle été valorisée par la note de 17.
Ma recommandation. La réussite de l’exercice oral (que ce soit la leçon ou l’explication de texte) repose sur deux piliers : des connaissances solides et une bonne compréhension de ce qui est demandé de faire. Il faut, durant l’année, travailler conjointement les deux et vous forcer littéralement à appliquer les consignes, même si cela n’est pas naturel pour vous, au départ. Par exemple, le jury vous attendra « au tournant », pour voir si votre exposé s’appuie sur des analyses d’exemples précis (aussi bien pour la leçon que pour l’explication de texte). C’est ce que j’appelle une « figure imposée », dans des exercices, dans lesquels le candidat doit aussi faire preuve d’une certaine liberté de réflexion.
4. Bilan par rapport à ma préparation
a. Les points positifs
– je suis tout d’abord très satisfaite des résultats de l’admissibilité, puisque les trois étudiants qui préparaient l’interne sont allés à l’oral (Cf. mon article sur l’admissibilité.) Ces résultats, sont allés, je l’avoue, au-delà de mes espérances de départ !
– je suis très satisfaite des résultats de l’admission, sur le plan « qualitatif » (une deuxième place), mais un peu déçue des résultats sur le plan « quantitatif » : seulement une étudiante de reçue sur trois qui préparaient l’interne. Mais, si l’on compare ce résultat (33% de réussite) avec les statistiques générales (13,4 % pour le concours du public et 12,1 % pour le concours du privé), il reste tout de même très satisfaisant !
– la discussion que nous avons eue, avec mes trois étudiants de l’interne, à l’issue des résultats, montre qu’ils ont particulièrement apprécié la densité du suivi (aussi bien pour les versions successives du dossier RAEP, que pour les dissertations et explications écrites, que pour les colles orales). Mais il faut aussi noter de leur côté une grande détermination, puisque les trois étudiants inscrits à ma formation à l’interne et au concours de l’interne ont tous rendu un dossier RAEP (alors qu’en 2016, 49,2% des candidats inscrits avaient finalement envoyé un dossier pour le concours du public et 55,1% pour le concours du privé !)
b. Les points à méditer
Voici quelques interrogations qui ressortent également de cette première année de préparation :
1) Faut-il nécessairement préparer le CAPES externe, en plus de l’interne pour se donner des chances supplémentaires d’avoir le CAPES ?
La réponse à cette question sera donnée à la parution des résultats de l’externe, dans une semaine. Mais je me demande déjà si, pour des étudiants qui présentent le concours, en disposant d’un temps de préparation très limité (parce qu’ils ont aussi bien souvent un travail et/ou une vie familiale à côté) ou qui ont des connaissances de base qui demandent à être développées, il ne vaut mieux pas concentrer toutes leurs forces sur les six notions au programme de l’interne, plutôt que de s’éparpiller sur le « programme » de l’externe.
2) Comment remédier à la peur de passer devant un jury ?
L’aspect psychologique compte énormément dans un concours et davantage encore à l’oral qu’à l’écrit, puisque le candidat encore anonyme pour les correcteurs de l’écrit se retrouve à l’oral, devant les membres d’un jury, qui évaluent sa prestation devant lui. La difficulté, pour le candidat, consiste alors à ne pas surinterpréter leurs questions, ni les signes qui pourraient se lire sur leur visage, relativement à la qualité de ses propos.
Si vous sentez que cette peur peut vraiment vous paralyser, je vous conseille d’aller assister à des oraux de concours ou même de faire des séances de sophrologie ou de PNL.
3) Faut-il faire un bilan des connaissances de l’étudiant sur les thèmes et les auteurs ?
Les sujets de l’oral du CAPES interne restent somme toute assez classiques : beaucoup de textes sont déjà tombés à des oraux du CAPES externe des années précédentes ou même au baccalauréat. De même, la réduction des sujets de leçon au seul format d’une question (il n’y a plus de sujets sous la forme d’une notion ou d’un couple de notion, comme les années précédentes), laisse le champ moins ouvert à des sujets originaux. Bref, il est assez facile de « cibler » l’ensemble des connaissances requises, pour passer l’oral. Ainsi, un bilan régulier sur l’acquisition de ces connaissances peut être très utile, pour relever les lacunes qui pourraient être fatales au candidat, le jour de l’oral.
Un grand merci à mes étudiants du CAPES interne 2017, pour leur investissement !