La problématique de la dissertation de philosophie est sans doute l’élément le plus délicat à maîtriser de cet exercice.
Néanmoins, avec de l’entraînement, vous arriverez bientôt formuler des problématiques pertinentes. Exercez-vous le plus souvent possible, en suivant bien la méthode que je vous propose.
Qu’est-ce que la problématique de la dissertation de philosophie ?
Attention tout d’abord a ne pas confondre le sujet que l’on vous donne avec la problématique. La problématique est une question que vous devez vous-même trouver. Comme son nom l’indique, c’est une question qui soulève un problème contenu dans le sujet proposé.
Ce problème doit être formulé de façon radicale, sous forme de paradoxe, c’est-à-dire qu’il doit faire apparaître une contradiction entre les termes du sujet.
Une problématique peut souvent être exprimée de la façon suivante : « Comment est-il possible que …, alors que…? « , notamment pour les questions introduite spar « Peut-on ». Mais attention, cette formulation n’est pas toujours valable, car il vous faut bien tenir compte du terme interrogateur du sujet, s’il en contient un.
Il est utile de savoir :
1) que votre problématique est une question moins large que la question du sujet.
2) qu’il y a en général plusieurs problématiques possibles, sur un même sujet. Mais, bien entendu, vous n’en traitez qu’une.
Comment trouver une problématique ?
1ere étape : « sentir » la contradiction.
Il faut que vous repreniez vos définitions des termes du sujet, pour les creuser, jusqu’à faire apparaître une propriété contradictoire entre ces termes.
2e étape : formuler de manière conceptuelle la problématique
Commencez par écrire une première esquisse, puis apportez-lui des modifications, pour l’améliorer, jusqu’à ce que vous soyez satisfait de sa formulation. Vérifiez ensuite :
– que le paradoxe soit bien énoncé dans votre question et suffisamment clair pour votre lecteur. Si vous trouvez que ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à donner davantage d’explications (hors de la question pour ne pas en alourdir la formulation)
– que votre problématique soit bien en rapport avec le sujet donné ;
Remarque : il arrive souvent que la formulation de la problématique nous vienne sous la forme d’une alternative. Ce n’est déjà pas si mal, mais l’alternative (« ou ») éloigne les termes de la contradiction, au lieu de les confronter.
Enlevez alors le « ou », pour le remplacer, par exemple, par la formulation : « comment est-il possible que … alors que …? »
Un exemple de problématique
Sujet proposé : « Peut-on se mentir à soi-même ? »
Recherche d’une première problématique :
Analyse des termes du sujet, pour faire ressortir une contradiction :
– Le terme interrogateur a ici le sens de « a-t-on la capacité (psychologique) de…? »
– Mentir consiste à ne pas dire volontairement la vérité à quelqu’un. Cela consiste soit à taire la vérité si on nous la demande, soit à dire le faux, à la place du vrai. Le menteur connaît donc la vérité.
– Or, dans le sujet proposé, le mensonge n’est pas adressé à quelqu’un d’autre, mais à soi-même ! Nous sommes à la fois celui qui énonce le mensonge et celui à qui il est adressé. Autrement dit, nous sommes dans la situation contradictoire de connaître la vérité et de ne pas la connaître !
Formulation de la problématique : Comment est-il possible de me cacher volontairement la vérité, alors que je la connais ?
Recherche d’une deuxième problématique
Pour vous montrer qu’il existe bien plusieurs problématiques possibles, sur un même sujet, nous allons essayer, à présent, de trouver une autre problématique. Il suffit alors de faire porter la contradiction sur un autre aspect du sujet. Par exemple, intéressons-nous à la finalité du mensonge :
– mentir consiste à ne pas dire volontairement la vérité, afin de protéger nos intérêts ou d’utiliser quelqu’un, à son insu, dans notre propre intérêt.
– par conséquent, le mensonge va souvent à l’encontre des intérêts de celui à qui l’on ment. De toute façon, le fait même de mentir à autrui, montre que nous abusons de la confiance qu’il nous porte.
Si nous nous mentons à nous-mêmes, cela implique donc que nous allons à l’encontre de notre propre intérêt !
Formulation de la problématique : Comment est-il possible que j’aille à l’encontre de mon propre intérêt, en me cachant la vérité à moi-même ?
Exercice proposé
Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site)
Une correction vous sera proposée dans le Tutoriel n°6 .
Trouvez une contradiction entre les termes des sujets suivants et formulez ensuite une problématique :
a) La violence peut-elle être un remède à l’injustice ?
b) Y a-t-il un devoir de mémoire ?
Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°4
Faites l’exercice du tutoriel n°4 , avant de lire cette correction !
a) Doit-on toujours « raison garder » ?
La question suppose que l’on doive « raison garder », la plupart du temps ; mais nous demande s’il faut le faire en toutes circonstances ou non. Il faut donc expliquer pourquoi il faut « raison garder », dans la plupart des cas, mais pourquoi aussi, il faut faire exception dans d’autres.
Vous voyez donc que, même si vous vous orientez vers une réponse globalement négative à la question, vous devrez quand même considérer les cas, où il faut « raison garder ». Par contre, la question, sans l’adverbe « toujours » implique des réponses plus tranchées.
La question avec l’adverbe nous amène donc, au cours de notre réflexion, à considérer les questions suivantes :
– Comment faut-il alors nous comporter, dans ces circonstances exceptionnelles ? Autrement dit, que signifie « ne pas garder » notre raison ?
– La distinction entre les circonstances dans lesquelles nous devons raison garder et celles dans lesquelles nous devons « abandonner » notre raison est-elle facile à faire ?
– Cela signifie-t-il que nous devons faire notre choix, en fonction des circonstances ?
b) Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?
La question est de savoir si la souffrance est nécessairement incluse, dans le désir, comme faisant partie de son essence, ou du moins, si elle est une conséquence nécessaire du fait de désirer.
Dans une réflexion qui se dirige vers une réponse globalement positive à la question, vous devrez donc montez en quoi la souffrance fait partie de l’essence même du désir. (Tout comme le carré est une figure qui a nécessairement quatre côtés.)
Par contre, si vous orientiez votre réflexion vers une réponse globalement négative, il vous faudra montrer que la souffrance est nécessairement liée à certaines sortes de désirs, mais pas à d’autres et donc qu’il est parfaitement possible de désirer, sans souffrir.
Vous constatez que sans l’adverbe, la question :
– implique une réponse globalement négative, plus tranchée que la question avec l’adverbe (vous n’êtes pas obligés de considérer quand même le cas contraire)
– ou bien implique une réponse globalement positive, dans laquelle le lien entre désir et souffrance n’est pas nécessairement lié à l’essence même du désir, mais peut être causé, par des circonstances extérieures ou par des effets, plus ou moins lointains du désir.
c) Etre libre, est-ce n’obéir qu’à soi ?
La question est de savoir s’il n’y a que l’obéissance à soi qui puisse appartenir à l’essence de la liberté ou si d’autres formes d’obéissances sont également possibles.
Dans le cas d’une réponse globalement négative à la question, vous devrez donc commencer par considérer le cas où être libre consiste à obéir à soi. Puis, réfléchir sur le fait que la liberté consiste également dans le fait d’obéir à ce qui n’est pas soi, à savoir obéir aux autres ou à des instances, comme la loi juridique ou la loi morale.
Sans l’adverbe, la question aurait été : « être libre, est-ce obéir à soi ? ». Cette formulation remet en question le fait que notre liberté puisse être liée à l’obéissance, quelle qu’elle soit (y compris à nous-mêmes !)
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