Une dissertation de philosophie doit contenir des exemples pertinents et bien analysés. Cependant, l’expérience montre que de nombreux élèves ou candidats utilisent des exemples, de façon maladroite. C’est pourquoi, nous allons voir, dans cet article, comment vous servir intelligemment des exemples, dans votre réflexion philosophique.
A quoi servent les exemples, dans une dissertation de philosophie ?
Contrairement à une idée assez répandue chez les élèves, un exemple ne sert pas à démontrer une thèse, mais à l’illustrer.
En effet, un exemple est, par définition, un cas particulier, auquel il est souvent possible d’opposer un contre-exemple. Et même si vous affirmez une vérité universelle, comme « Tous les hommes sont mortels », prétendre en faire la démonstration, en donnant des exemples d’êtres humains effectivement morts, n’est pas très convaincant !
L’exemple va vous servir à illustrer une thèse, et par conséquent va vous aider dans son analyse. Utiliser et analyser des exemples, montre à votre correcteur que vous n’êtes pas seulement capable de manier des idées en général et de manière abstraite, mais aussi d’appliquer vos analyses à des cas concrets, de réfléchir sur des situations particulières.
Notons, au passage, qu’une telle compétence vous sera précieuse, non seulement, pour réussir votre dissertation de philosophie, le jour du baccalauréat, mais aussi pour d’autres épreuves, comme le concours d’infirmière ou d’infirmier.
Quels exemples faut-il mettre et combien ?
En théorie, tout exemple peut faire l’objet d’une analyse philosophique. Cependant, évitez absolument les exemples vous impliquant personnellement, ainsi que les exemples devenus trop communs, comme le tableau Guernica de Picasso. Il vous faut privilégier avant tout les exemples tirés de la Culture, avec un grand « C ». Cependant, rien ne vous interdit de traiter un exemple tiré de l’actualité, pourvu que vous ne tombiez ni dans l’anecdotique, ni dans le voyeurisme. Ce qui importe le plus, c’est la manière dont vous allez analyser votre exemple.
Quant au nombre d’exemples à mettre dans un devoir, une bonne moyenne est de 3 ou 4 exemples, pas davantage. En effet, il est toujours préférable de faire une analyse précise de quelques exemples, plutôt que d' »étaler » votre culture, en évoquant, au passage, une foule d’exemples, sans les analyser. Résistez à la tentation d’accumuler des exemples, comme on le constate parfois dans certaines copies. Certes, un exemple nous fait souvent penser à un autre et ainsi de suite. Faites alors le tri : lequel, parmi l’ensemble des exemples qui vous sont venus à l’esprit, vous permettra le mieux de démontrer ou de discuter une thèse ?
Pour pouvoir choisir un exemple pertinent, il vous faut en connaître un certain nombre, dans les domaines les plus variés possibles. Pour acquérir progressivement cette culture, je vous conseille de faire des fiches de lecture, parce qu’elles vous permettent de synthétiser l’information que vous lisez et de mieux la retenir.
Comment présenter un exemple ?
L’exemple doit venir s’insérer dans le cours de l’analyse ou de l’argumentation d’une idée. Ne commencez jamais votre argumentation par un exemple. En effet, ce procédé, s’il est répété, plusieurs fois dans la copie, donnera l’impression au correcteur que vous faites un catalogue d’exemples, au lieu de faire réellement progresser votre réflexion.
Un exemple doit être présenté de la manière la plus précise possible, pour permettre à votre correcteur de bien savoir de quoi vous parlez. Ainsi, n’écrivez pas « pendant la guerre », mais « pendant la Deuxième Guerre Mondiale », si c’est de cette guerre dont vous voulez parler.
Ensuite, présentez les faits que vous voulez analyser de la manière la plus précise, mais aussi la plus brève possible. Ne vous lancez pas dans un récit interminable, car cette narration remplace bien souvent la réflexion proprement dite. Rappelez vous que, dans une dissertation de philosophie, vos propos ne doivent jamais en rester à une simple description, mais qu’ils doivent au contraire, essentiellement, argumenter, analyser, déduire, objecter, nuancer, etc.
Comment analyser un exemple ?
L’analyse d’un exemple doit toujours se faire en fonction de la thèse que vous êtes en train de démontrer ou de discuter, à ce moment précis de votre dissertation. Cette analyse se conduit également à la lumière de votre problématique, posée dans l’introduction.
Pour que votre analyse soit précise, il vaut mieux prendre un exemple qui soit, lui aussi, précis. Par exemple, si vous vous appuyez sur un roman, ne parlez pas de ce roman, en général, mais d’une scène particulière de ce roman. De même, ne prenez pas un fait historique général (ex: la Première Guerre Mondiale), mais un épisode précis de ce fait historique (ex : la bataille de la Marne).
Exercice d’application
1) Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?
Vous aviez déjà travaillé ce sujet, au Tutoriel n°4, à propos de la nuance introduite par l’adverbe. Je vous propose ici de le reprendre, selon une problématique qui s’interrogerait sur le paradoxe suivant : désirer consiste à ressentir un manque psychologique, puis à chercher à le combler, pour éprouver de la satisfaction, du plaisir. Or, cela est contradictoire avec le fait de souffrir. On ne voit donc pas comment la souffrance ferait partie de l’essence du désir.
Est-ce à dire alors que toute satisfaction d’un désir est voué à un échec ? En ce cas, pourquoi ? Dans un moment de ma réflexion, je vais examiner l’hypothèse selon laquelle l’échec de la satisfaction d’un désir est dû à une trop grande disproportion entre son objet et la réalité. Madame Bovary de Gustave Flaubert est un roman qui nous offre de nombreux exemples de cette inadéquation entre l’objet du désir et la réalité.
Je vais comparer deux scènes précises du roman :
– la scène dans laquelle Flaubert décrit la rêverie d’Emma, sur sa vie future avec son amant Rodolphe, avec lequel elle a projeté de fuir, le lendemain.
– la scène qui suit la précédente, dans laquelle Flaubert décrit les pensées qui traversent l’esprit de Rodolphe, lorsqu’il écrit sa lettre de rupture à Emma.
Analyse de l’exemple
L’inadéquation entre l’objet du désir et la réalité est parfaitement bien illustrée, par Flaubert, dans deux scènes du roman qui se suivent, et dans lesquelles il décrit les états d’âme complètement opposés d’Emma et de son amant Rodolphe. En effet, dans la première scène, Emma se retrouve une dernière fois avec Rodolphe, en croyant que celui-ci va fuir avec elle, le lendemain. Elle exprime son exaltation, en lui décrivant, la vie future qu’ils mèneront, vie romanesque, faite de voyages, d’aventure et d’amour éternel. « Nous serons seuls, tout à nous, éternellement » dit-elle à son amant.
Cependant, Rodolphe quitte Emma avec la ferme décision de rompre avec elle et lui écrit une lettre de rupture, sitôt arrivé chez lui. Le contraste entre son monde intérieur et celui d’Emma est alors saisissant. Rodolphe retrouve des lettres de ses anciennes amantes, pour se donner le courage d’écrire. Le souvenir de ces femmes tend alors à se confondre dans son esprit, tout comme leurs lettres rangées pêle-mêle, dans une petite boîte. Rodolphe prend même conscience qu’il n’a même plus de souvenirs de certaines d’entre elles ! Cette vision préfigure ce qu’Emma deviendra pour lui : une amante parmi tant d’autres, dont le souvenir finira même par s’effacer.
Ainsi, cet exemple montre bien comment le désir, s’il pose un objet beaucoup trop irréaliste est nécessairement voué à l’échec et comment désirer revient alors à nécessairement souffrir.
2) Y a-t-il une vérité dans l’art ?
Reprenons ce sujet, analysé dans le Tutoriel n°2, à propos du terme interrogateur « Y a-t-il…? « , qui nous indiquait un paradoxe entre les termes « vérité » et « art ».
Je m’interroge, à un moment de ma réflexion, sur le fait de savoir si la représentation artistique d’un objet concret peut nous révéler une vérité qui n’est pas accessible, par la simple perception de cet objet. Pour cela, j’analyse une sculpture de Constantin Brancusi, intitulée : Oiseau dans l’espace
Analyse de cet exemple :
La forme sculptée ne représente pas du tout un oiseau, tel que la perception nous le représente. En effet, elle n’en a absolument pas la forme extérieure et, en la contemplant, nous ne reconnaissons pas un oiseau. Cependant, cette forme aérodynamique évoque la plume d’un oiseau. Or, la plume renvoie à la capacité de voler, capacité qui est propre à cet animal. Ainsi, ce qui intéresse Brancusi n’est pas de représenter la forme extérieure de l’oiseau – toujours particulière à tel ou tel oiseau – , mais son essence même – commune à tous les oiseaux. Nous avons vu que la vérité se définit comme l’adéquation entre ce qui est dit – ou représenté – et ce qui est (ce que nos nommons « la réalité »). Or, la réalité perçue par nos sens est changeante, éphémère. Selon des philosophes comme Platon, il existe une réalité supérieure, qui ne change jamais : celle de l’essence, de l’Idée. Brancusi reprend cette conception : son oeuvre représente l’Idée de l’oiseau, à savoir son essence, sa caractéristique propre.
Ainsi, cet exemple nous montre comment il peut y avoir une vérité dans l’art. La vision, que l’artiste nous communique à travers son oeuvre, nous permet de dépasser les apparences sensibles, pour aller à la connaissance de l’essence des choses.
Exercice d’entraînement
Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site)
Illustrez par des exemples (que vous analyserez soigneusement) des idées aux choix, proposées dans le plan détaillé de la dissertation : « Y a-t-il un devoir de mémoire ? », donnée au Tutoriel n°8 .
Corrigé du Tutoriel n°9
Faites l’exercice du Tutoriel n°9 , avant de lire sa correction !
1) Développez l’argumentation esquissée dans le §3 de la Première Partie
Développement de l’argumentation :
« Parler d’un devoir de mémoire peut sembler paradoxal, dans la mesure où un devoir porte sur une action à réaliser et non sur le simple souvenir d’une action passée. En effet, la morale nous ordonne d’agir, tout en respectant la personne d’autrui. Elle nous interdit ainsi de faire une action qui porterait atteinte à son intégrité physique ou morale (comme le blesser physiquement ou l’insulter verbalement). Certes, la morale peut nous inviter à nous rappeler des faits passés, afin de les juger relativement à leur valeur morale. Si ce que j’ai fait est bien du point de vue moral, alors je ressentirai de la bonne conscience ; et inversement, si mon action a été mauvaise. Cependant, il ne s’agit de me souvenir de ces faits passés, pour eux-mêmes, mais de faire en sorte que ce souvenir et les sentiments qu’ils suscitent (la bonne ou la mauvaise conscience) me conduisent à respecter les règles de la morale, dans mes prochaines actions. »
2) Reprenez l’idée du §1 de la Troisième Partie, en trouvant et en développant une argumentation
Argumentation et développement :
« Le nationalisme est une doctrine qui se caractérise par une certaine conception de la nation, à laquelle un individu appartient. Cette doctrine estime qu’une nation doit rester indépendante des autres et défendre ses intérêts contre ceux des autres, quitte à entrer en guerre avec elles. Bien souvent, elle s’accompagne du sentiment selon lequel la nation à laquelle nous appartenons est supérieure aux autres nations.
Par conséquent, tout nationalisme cultivera le sentiment d’appartenance des individus à une nation. Il utilisera ainsi le devoir de mémoire, pour montrer que des générations antérieures se sont sacrifiées, afin que la nation reste indépendante. En effet, ce devoir de mémoire est un puissant moyen pour nous faire éprouver un devoir envers des individus qui ont agi, pour le bien de leur pays. Ne pas respecter ce devoir et ne pas l’honorer, par des actions de la même valeur, serait, en quelque sorte, trahir la mémoire de ces individus. »
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