Tutoriel n°7 (dissertation/ Terminale) : le plan de dissertation de philosophie (1/2)

Vous voilà parvenu à la dernière étape de votre travail préparatoire de la dissertation de philosophie : faire un plan détaillé, avant de passer à la rédaction de votre devoir.

J’insiste bien sur le fait qu’un plan de dissertation de philosophie ne peut pas être trouvé, dès la lecture du sujet ! En effet, il n’est pas possible d’appliquer un plan « tout fait » à un sujet. Pour quelle raison ? Parce que le plan dépend principalement de la façon dont vous avez problématisé le sujet !

Mais, fort heureusement, il existe certaines « astuces », pour nous aider à construire un plan de dissertation, et nous verrons lesquelles, dans les deux tutoriels, consacrés à la question.

Dans le premier tutoriel, consacré au plan de la dissertation, je vais vous montrer comment passer de vos idées de réflexion (cf. Tutoriel n°6 ) à une première esquisse de plan.

Dans le deuxième tutoriel (Tutoriel n°8), je vais vous montrer comment affiner cette première esquisse, pour arriver à ce que j’appelle « un plan détaillé de dissertation ». Il vous suffira ensuite de développer ce plan détaillé, pour rédiger votre dissertation.

Qu’est-ce qu’un plan détaillé de dissertation ?

Le plan détaillé trace les grandes étapes du développement de votre dissertation. Je vous rappelle que le développement va consister à résoudre le problème que vous avez posé dans votre problématique. (cf. La dissertation de philosophie )

En effet, votre réflexion doit progresser d’un point de départ (votre problématique) jusqu’à un point d’arrivée (votre réponse finale à cette problématique, en conclusion). Votre problématique doit donc constamment vous servir de fil conducteur. C’est la colonne vertébrale, qui soutient toute votre réflexion.

Pourquoi faire un plan détaillé avant de rédiger votre devoir ?

Là encore, j’insiste bien sur la nécessité pour vous d’avoir une « feuille de route », avant de vous lancer dans la rédaction !
Que diriez-vous d’un conducteur, qui roulerait sur une route, sans savoir où il va ? Je vois trop souvent, le jour de l’épreuve du baccalauréat, des candidats se lancer immédiatement, dans la rédaction, sur leur brouillon (quand ce n’est pas directement sur la copie qu’ils rendront !)

Faire un plan détaillé vous permet donc, notamment :
– de ne pas vous lancer au fil de la plume, pour finalement vous retrouver très vite à court d’idées;
– de ne pas écrire des propos répétitifs, ou juxtaposés, sans réelle progression de la réflexion;
– d’équilibrer la longueur des différentes parties de votre développement.

Comment trouver le plan de votre dissertation ?

Conseils généraux :

– Reprenez les idées « en vrac » que vous avez trouvées et relisez-les, en ayant bien à l’esprit la question de votre problématique. Vous commencerez alors à vous apercevoir que certaines idées s’assemblent, alors que d’autres s’opposent.

– Ensuite, pensez à la solution que vous donnerez en conclusion à votre problématique : quelle est la thèse que vous voulez soutenir, par rapport à votre problématique ? (et donc à la question qui vous a été posée, au départ ?) Cette réponse sera le but, que devra viser votre réflexion. Inversement, ce but vous guidera pour savoir comment faire progresser votre réflexion jusqu’à lui.

Exemple d’application sur le sujet : « Y a-t-il un devoir de mémoire ? »

J’avais proposé deux problématiques et des idées de réflexion pour chacune d’elles, dans le Tutoriel n° 6.

Je vais vous montrer ici comment articuler un plan, en fonction de la problématique n°1, ainsi que des idées de réflexion trouvées à son propos. (Le plan correspondant à la problématique n°2 vous sera donné dans le Tutoriel n°8.)

Problématique n°1 : Comment est-il possible de s’obliger à se souvenir de faits passés, alors que notre mémoire semble échapper au contrôle de notre volonté ?

Je relis donc tout d’abord les idées trouvées au Tutoriel n°6, pour voir comment je pourrais les organiser entre elles. J’ai toujours à l’esprit que ma problématique pose la question « (comment) est-il possible … ? »

Rappel des idées trouvées et commentaires :

Remarque : j’ai ajouté, par rapport à la dernière fois, des commentaires, en italique, pour m’aider à classer mes idées.

– Idée n°1 : Les faits dont je me souviens sont des faits marquants pour la mémoire, car chargés émotionnellement. Pourquoi ? Parce que des êtres humains ont souffert ou on fait preuve de vertus morales, comme le courage, l’abnégation ou le sacrifice. (ex : les Résistants)

Il semble donc inutile de s’obliger à se souvenir, puisque le souvenir s’opère selon une nécessité psychologique : nous nous souvenons « automatiquement » de ce qui nous marque.

– Idée n°2 : Les cérémonies de commémorations sont des actes solennels, qui permettent de se souvenir (ex : 70e anniversaire du Débarquement de Normandie)

Il s’agit ici de moyens pour entretenir la mémoire de certains faits. Mais « commémorer » ne se réduit pas à évoquer un simple souvenir, mais aussi à rendre hommage à ceux qui ont été les acteurs de ces faits. (Idée qui semble aller avec l’idée n°6

– Idée n°3 : Le terme « commémoration » marque l’idée de se souvenir ensemble . Se souvenir est donc un devoir envers la société à laquelle nous appartenons.

Le devoir de mémoire n’est pas seulement un devoir envers les acteurs du passé, mais aussi envers la société à laquelle nous appartenons : nous sommes conscients de former un tout, à l’aide du devoir de mémoire (souvenirs et valeurs communes) (Idée qui complète les idées n°2 et 6)

– Idée n°4 : La mémoire est une faculté qui semble indépendante de la volonté : nous nous rappelons des détails futiles ou des faits douloureux que nous aimerions mieux oublier.

Cette idée montrerait la difficulté (ou même l’impossibilité) de s’obliger à garder en mémoire certains faits. Mais, j’ai dit dans l’idée n°1 que si le fait est marquant, alors il ne sera pas oublié…

– Idée n°5 : Plutôt que de parler de « devoir » de mémoire, il faut plutôt parler de « nécessité », pour nous, de nous souvenir de choses qui sont utiles à notre survie (ex : nous souvenir que le feu brûle)

Au sens premier, la mémoire est une faculté qui aide à notre survie (on retrouve l’idée de nécessité du n°1)
Voir si je mets ensemble l’idée n°5 et l’idée n°1 !

– Idée n° 6: Le « devoir de mémoire » ne se limite pas à un simple souvenir, mais il doit s’accompagner du sentiment de reconnaissance et de gratitude (envers les acteurs de l’histoire, dont nous commémorons les faits) et d’une réflexion (pour éviter, dit-on couramment, de refaire certaines erreurs).

Le terme « mémoire » dans « devoir de « mémoire » n’est pas une simple mémorisation psychologique, mais un acte de pensée moral. Par conséquent la mémoire « psychologique » peut nous échapper, mais non la mémoire comme devoir moral.

– Idée n° 7 : Mais pouvons-nous nous obliger à ressentir de la reconnaissance ?

Objection à l’idée n° 6

– Idée n° 8 : Le devoir est un obligation morale. Mais, n’est-il pas absurde de faire porter une obligation sur ce qui semble échapper à notre volonté ?

C’est une objection de taille à l’idée n°6. Solution à envisager ? La mémoire comme devoir moral pourrait pallier à certaines insuffisances de la mémoire psychologique : s’obliger à se souvenir par des commémorations, cérémonies, pour ne pas oublier psychologiquement.

– Idée n° 9 : Pour l’histoire contemporaine, des supports matériels (photos, films, affiches) nous aident à nous souvenir.

Il s’agit de témoignages « directs » des événements passés, qui peuvent soutenir la mémoire psychologique. D’un autre côté, ces témoignages restent subjectifs.

Esquisse de plan :

A cette première relecture de mes idées, il m’apparaît plusieurs indications intéressantes :

1) le terme « mémoire » a deux sens :
a) mémoire au sens psychologique
b) mémoire : « se souvenir », « commémorer » : dépasse le simple processus psychologique, par sa dimension morale.
Je vais donc voir si je ne peux pas faire jouer l’organisation de mon plan sur ces deux sens (astuce n°1 !)

2) La réponse à ma problématique m’apparaît maintenant. Je veux montrer que « OUI c’est possible, grâce justement à la mémoire, comme devoir moral » : c’est elle qui va pallier aux insuffisances de la mémoire psychologique.

3) La progression générale de mon plan m’apparaît aussi : il faut que je commence par le problème de la mémoire qui nous échappe, pour montrer comment le devoir de mémoire y apporte une solution.

Esquisse de la première partie :

– Définition de la mémoire, au sens psychologique.
– Définition du devoir, en marquant bien différence avec la nécessité.
– Il semble doublement paradoxal de parler de « devoir de mémoire » ! Car :
il semble plus exact de dire qu’il existe une nécessité de mémoire ;
peut-on s’obliger à se souvenir, si on n’en a pas d’abord la capacité ? (cf. oublis)
– Mais les faits marquants sont mémorisés ! Or, le devoir de mémoire porte justement sur des faits marquants.

Esquisse de la deuxième partie :
– Terme « mémoire » pris ici au sens moral : commémorations, reconnaissance, réflexion… (rendre hommage à la mémoire de). Pas une simple restitution d’un souvenir, que reconnaissance envers, réflexion sur : ceux dont on se souvient, la société à laquelle nous appartenons.
– Il est possible de nous obliger à nous souvenir : c’est notre volonté elle-même qui nous oblige.
– Difficulté : possible de s’obliger à ressentir de la reconnaissance ?

Bilan :
A ce stade de mon travail, je viens d’épuiser ma réserve d’idées précédemment trouvées. Me serait-il possible de faire une troisième partie, pour aller plus loin dans la réflexion ?

Je réfléchis un peu et je remarque que nos sociétés modernes donnent beaucoup d’importance au « devoir de mémoire ». Pourquoi ? Est-ce parce que le XXe siècle a connu des faits sans précédents ? Ou bien parce que les Etats modernes ont bien compris comment utiliser ce devoir de mémoire, pour renforcer leur pouvoir ?

Par conséquent, je tente une troisième partie, dont l’axe sera : le vrai devoir moral de mémoire n’est-il pas remplacé par un simple devoir social de mémoire et comment faire alors pour que le devoir moral reprenne ses droits ?

Esquisse de la troisième partie

– Commémorations d’événements choisis par les gouvernants et situés plutôt dans un passé récent (on ne commémore pas les morts de la guerre de Cent Ans !)
– Commémorations qui donnent lieu à de grands spectacles, dans lesquels les gouvernants actuels se montrent.
– L’aspect spectaculaire des commémorations ne doit pas occulter la réflexion sur les causes des faits que l’on commémore. Vrai devoir moral de mémoire passe d’abord par une vraie connaissance historique.
– Enfin pour que ce soit notre volonté qui nous oblige, et non les Etats qui conditionnent notre mémoire, il faudrait que chacun institue des commémorations « en privé » (pour ne pas être poussé à faire « comme tout le monde ») et à portée universelle (ne portant pas nécessairement sur des événements liés à son propre pays, mais à la dignité du genre humain. Ex : devoir de mémoire, envers les victimes d’Hiroshima et de Nagasaki ou du génocide rwandais.)

Dans le prochain tutoriel, nous verrons comment finaliser la forme de cette première esquisse, en rédigeant un véritable plan détaillé.

Exercice d’entraînement

Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site)

Faites une esquisse de plan, par rapport à la problématique n°2 du sujet « Y a-t-il un devoir de mémoire ?  » et aux idées de réflexion, trouvées dans le Tutoriel n°6 . (Je vous fait travailler sur ces deux matériaux, pour vous éviter de recommencer au tout début le travail préparatoire sur un nouveau sujet.)

Une correction vous sera proposée dans le Tutoriel n°8.

Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°6

Trouvez des idées de réflexion pour le sujet : « La violence peut-elle être un remède contre l’injustice ? »

Vu la longueur de ce tutoriel, je vous donnerai le corrigé dans le Tutoriel n°7 bis !

Voir le sommaire de l’ensemble des tutoriels sur la dissertation de philosophie (en Terminale)

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