Comment préparer la dissertation hors programme du CAPES et de l’Agrégation de Philosophie

La difficulté de la dissertation « hors-programme » du CAPES et de l’Agrégation de Philosophie réside dans le fait que cette dissertation porte bien, en réalité, sur un programme, mais qui est très vaste ! En effet, les rapports des jurys rappellent régulièrement qu’il s’agit du programme de philosophie des classes de Terminale. De ce fait, il arrive parfois que certains sujets donnés au baccalauréat tombent au CAPES. Mais en règle générale, les sujets des concours de philosophie ont la particularité suivante : porter sur une ou plusieurs notions qui sont beaucoup plus spécifiques que les notions du programme de Terminale. Par exemple, « le droit à la différence »(CAPES, 2014), « les limites de la connaissance » (CAPES, 2014), « la finitude » (Agrégation, 2013), « la méthode » (Agrégation, 2014).

C’est pourquoi, le jour du concours, de nombreux candidats se heurtent au problème de la mobilisation de leurs connaissances. En effet, il y a de fortes probabilités qu’ils aient lu ou appris quelque chose, au sujet la notion, au cours de leur cursus. Cependant, cet apprentissage reste lacunaire et n’est pas assez approfondi, par rapport aux exigences des concours. Ces candidats n’ont alors pas d’autre possibilité, pour « remplir » leur copie, que de raccrocher leurs propos à ce qu’ils savent d’autre. En règle générale, un tel procédé ne donne pas des résultats très satisfaisants !

Ainsi, la difficulté de cette épreuve n’est pas la même que celle de l’épreuve de la dissertation sur programme de l’Agrégation.

Comment alors acquérir des connaissances à la fois étendues et précises, pour préparer la dissertation « hors programme » ? Dans cet article, je vous présente trois stratégies, que je vous conseille de travailler de manière croisée :
1) Faire des lectures suivies d’oeuvres philosophiques ;
2) Analyser des extraits, en fonction de notions précises et de ce que j’appelle des « sous-notions » ;
3) Lire des ouvrages thématiques.

Remarque : Il sera ici question de l’acquisition des connaissances et non de la méthode de la dissertation proprement dite.

1. La lecture suivie d’oeuvres philosophiques

C’est l’approche « classique » et elle reste indispensable. Cependant, elle doit être faite avec méthode :

Conseil n°1 : Constituez-vous un programme de lecture

Vous ne pouvez pas « tout » lire ! Il faut donc limiter vos lectures, selon des critères judicieux. Vous constituer une liste d’une douzaine de livres me semble être un objectif réaliste. Votre liste devra :
– contenir des oeuvres de périodes différentes ;
– porter sur différents auteurs. Attention cependant à ne pas vous éparpiller. Il vaut mieux avoir des connaissances précises sur un petit nombre d’auteurs qu’un savoir vague sur beaucoup. Il est donc intéressant de lire plusieurs livres d’un même auteur.
– couvrir le maximum de champs de réflexion (esthétique, politique, morale, épistémologie, métaphysique, etc.)

Quels auteurs choisir ? On dit que les auteurs « piliers » des concours de philosophie sont : Platon, Aristote, Descartes, Kant et Hegel.

Exemple de liste « de base » : (D’autres combinaisons sont bien sûr possibles !)
Platon : Gorgias
Platon : La République
Aristote : Ethique à Nicomaque
Descartes : Méditations Métaphysiques
Descartes : Les passion de l’âme
Kant : Critique de la Raison Pure
Kant : Critique de la Raison Pratique
Kant : Critique de la Faculté de Juger
Hegel : La raison dans l’histoire
Hegel : Principes de la philosophie du droit
Bergson :L’Evolution créatrice
Husserl : Méditations cartésiennes

2. Travaillez judicieusement ces livres

Bien évidemment, il ne suffit pas de lire les livres de votre liste. Avoir une connaissance vague de leur contenu restera insuffisant, pour vous constituer une base de connaissances utiles, pour le concours.

Vous devrez donc impérativement connaître et retenir :
la problématique générale de l’oeuvre. La lecture des préfaces et des conclusions (s’il y en a) est, sur ce point, instructif.

sa structure : comment la réflexion progresse-t-elle, du problème posé au départ jusqu’à sa résolution ? Partez des indications fournies par la table des matières et analysez ensuite, dans le texte même, comment l’auteur procède pour passer d’un chapitre ou d’une partie à l’autre.

Constituez-vous des cartes heuristiques, pour mémoriser la structure des livres.

ses idées clefs. Ce sont des idées qu’il est indispensable de comprendre, pour suivre la réflexion de l’auteur.

des idées qui paraissent « secondaires », par rapport au propos principal. Ce sont des remarques, des compléments, qui ne sont pas indispensables à la compréhension de la réflexion, mais qui constituent une véritable « mine » d’idées, pour les concours.

Pour savoir plus en détail comment tirer parti de la lecture d’une oeuvre, je vous renvoie à mon autre article Comment travailler une oeuvre pour préparer le CAPES ou l’Agrégation de Philosophie.

2. L’analyse d’extraits, en fonction de notions précises

Principes généraux

Si vous vous contentez de la première approche, vous aurez certes acquis des connaissances, mais celles-ci resteront trop générales. Il faut donc la compléter, par la deuxième stratégie, à savoir par l’analyse précise d’extraits des oeuvres. Vous choisirez ces extraits, en priorité, dans les oeuvres de votre programme de lecture. Mais, vous aurez sûrement besoin de les compléter par des extraits tirés d’autres oeuvres.

Dans ces passages (d’une à trois pages maximum), vous vous apercevrez que l’auteur articule, dans sa réflexion, tout un ensemble de notions. En règle générale, c’est sur ce type de notions que les sujets de dissertation des concours portent et c’est même ce que j’appelle des « sous-notions » (par rapport à celle du programme de Terminale).

Par conséquent, votre préparation consistera à vous tisser une sorte de « toile de notions », de telle sorte à ce qu’elle recouvre le maximum de champs de réflexion.

Bien sûr, votre objectif n’est pas de vous attendre à tomber, le jour du concours, sur la notion que vous aurez travaillé, en particulier. Cela est hautement improbable. Mais, en opérant de manière à mettre à jour des « réseaux de notions », vous aurez de grandes chances de l’avoir croisée, au cours de votre travail. Et vous aurez, par rapport aux autres candidats, l’avantage de savoir à quelles autres notions et problèmes elle est articulée.

Exemple

Supposez que vous ayez dans votre liste de lecture de la première stratégie, les Méditations Cartésiennes de Husserl. Les premières pages de l’Introduction articulent – entre autres – les notions de « fondement », de « jugement », et d' »évidence ». Vous allez, par exemple, faire porter votre analyse sur la notion de « fondement ». Il s’agit ici spécifiquement du fondement de nos connaissances, de nos jugements.

Comment compléter vos connaissances sur cette notion ? Par exemple, par les Fondements de la métaphysique des moeurs de Kant. Dans la Préface Kant énonce quel est le but de son ouvrage, à savoir fonder la morale. Mais, il précise également que la Critique de la Raison Pure lui a servi à fonder la métaphysique.

De même, dans Le principe de raison, Heidegger a recours au terme de « fond » et rappelle que Descartes cherchait, pour la connaissance, un « fundamentum inconcussum » (un fondement inébranlable).

Vous commencez donc à vous constituer une de base de connaissances sur la notion de « fondement », base qui vous servira de point de départ pour une réflexion plus approfondie, par la suite.

Sur quelles notions faire porter votre choix ?

L’important est que vous ayez bien compris à quel niveau de généralité travailler : il faut travailler à un niveau conceptuel plus particulier que celui des notions du programme de Terminale, comme la morale, l’histoire, la politique, la conscience, le langage. Par exemple, au lieu de travailler seulement la notion de morale, travaillez aussi les notions de mérite, de faute, de culpabilité, etc.. Ce sont des concepts que j’appelle des « sous-notions ».

Je vous conseille donc de vous constituer, non seulement un programme d’auteurs, mais aussi un programme de « sous-notions ». Elles seront choisies de telle sorte à vous faire travailler les différents champs de réflexion. Pensez aussi que de nombreuses notions se retrouvent à la croisée de plusieurs champs de réflexion.

Cependant, une difficulté se pose : ce travail demande de savoir au préalable quels sont les auteurs qui ont traité de la sous-notion en question et dans quels ouvrages ! Or, nous ne le savons pas forcément ! Si vous êtes dans ce cas, consultez les tables des matières des ouvrages. Mais faites attention à bien replacer la lecture de l’extrait, dans le contexte du livre, afin qu’il garde tout son sens.

A ce propos, la lecture d’anthologies se révèle insuffisante, parce qu’elle ne s’accompagne pas d’une connaissance précise du contexte d’où est tiré l’extrait.

Avec quels outils travailler ?

Pour avoir une vue synthétique des différentes références que vous aurez constituées sur une « sous-notion », je vous conseille d’utiliser la technique des cartes heuristiques.
A l’inverse, pour avoir une vision détaillée de l’analyse d’une notion, je vous conseille d’utiliser des fiches de lecture.

3. Lire des ouvrages thématiques

La lecture d’ouvrages thématiques, peut aussi vous être d’une grande utilité. En effet, ces ouvrages – qui restent trop généraux, par rapport aux exigences des concours – auront néanmoins le mérite de vous donner des pistes de lecture. En effet, l’auteur fait souvent un travail de compilation des auteurs, qui ont traité de la notion en question.

Sélectionnez des idées qui vous semblent intéressantes, pour votre travail de recherche et approfondissez-les, en allant lire et travailler les ouvrages mêmes des auteurs.

Conclusion

Pour préparer le mieux possible l’épreuve de la dissertation « hors-programme » du CAPES et celle de l’Agrégation, je vous conseille donc de vous constituer UN programme, qui soit à la fois le plus large possible, mais qui vous permette aussi d’acquérir des connaissances ciblées.

Ce n’est qu’en assimilant des connaissances précises, tirées d’un contexte et d’une démarche réflexive précise, que vous pourrez vous constituer un matériau solide, avec lequel vous construirez votre propre réflexion, le jour du concours.

Enfin, un dernier conseil : ne lisez pas que de la philosophie, mais constituez-vous également une solide culture générale.

Livres pour préparer les concours

Vous cherchez des ouvrages pour préparer au mieux vos concours ? Alors je vous recommande ma collection : « Entraînement à la dissertation philosophique pour les concours (CAPES, Agrégation, ENS) ». Le tome 1 vient de paraître :

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Cet ouvrage est le tome 1 d’une série consacrée à l’Entraînement à la dissertation philosophique pour les concours du CAPES et de l’Agrégation de Philosophie, ainsi que pour l’épreuve de la dissertation philosophique à l’entrée des Ecoles Normales Supérieures.

Dans ce tome 1, j’ai recensé un grand nombre de remarques, de critiques et de conseils que vous pouvez trouver, de manière dispersée, dans les différents rapports des jurys des concours, mentionnés ci-dessus. Je les ai classés, selon différentes thématiques : analyse du sujet, travail de définition, utilisation de références d’auteurs, d’exemples, problématisation, introduction, plan et conclusion.

Cette synthèse vous permettra de connaître exactement quelles sont les principales règles à respecter pour réussir une dissertation philosophique, dans les concours du supérieur. Les tomes suivants vous permettront de mettre en pratique ces règles et de travailler les difficultés propres à chaque thématique, à l’aide d’exercices et de programmes de lecture.

Pour une présentation générale de la collection, consultez mon article Publications pour préparer le CAPES et l’Agrégation de Philosophie.

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