Tutoriel n°11 (Dissertation/Terminale) : comment utiliser des références philosophiques ?

Utiliser des références philosophiques, dans une dissertation de philosophie, n’est pas obligatoire. Un correcteur ne peut pas vous enlever des points, parce que votre copie ne contient pas de références d’auteurs.

Cependant, des références pertinentes et bien analysées sont toujours les bienvenues et peuvent vous rapporter des points « en plus » ! En outre, s’appuyer sur la réflexion d’un auteur, peut vous éviter de produire une réflexion personnelle superficielle.

Vous allez apprendre, dans ce tutoriel, comment insérer des références d’auteurs dans votre copie, et surtout, comment bien les analyser, en fonction du sujet donné et de votre problématique. En effet, une référence d’auteur n’a pas de grande valeur, dans une dissertation de philosophie, si elle est simplement récitée, sans servir la réflexion que vous êtes en train de mener.

A quoi sert une référence philosophique ?

Commençons, tout d’abord, par voir à quoi elle ne sert pas :
– Une référence philosophique ne sert pas à remplacer votre réflexion personnelle. En effet, c’est cette dernière qui est primordiale, pourvu qu’elle soit bien argumentée.
– Une référence philosophique ne sert pas à démontrer, dans l’absolu, une thèse. En effet, ce n’est pas parce qu’un philosophe « célèbre » a affirmé une idée qu’il a nécessairement raison.

A quoi elle sert :
– une référence philosophique doit vous servir de point d’appui pour faire progresser votre propre réflexion.
– elle sert souvent aussi à faire apparaître les présupposés, les conséquences de la thèse que vous êtes en train d’argumenter ou de contredire.
– elle peut aussi vous faire prendre conscience des objections possibles à cette thèse.
– elle peut aussi vous fournir des définitions précises de termes.

Quelles références philosophiques peut-on mettre et combien ?

Quelles références ?

En toute rigueur, toute référence d’un auteur philosophique est acceptable. Si, pour un sujet donné, votre correcteur a pensé à l’utilisation de tel ou tel auteur, il ne pourra pas vous reprocher d’avoir mis d’autres références, pourvu qu’elles soient bien analysées. Comme on le dit familièrement, il n’y a pas de « passages obligés ».

Par contre, soyez prudent avec les références qui sont devenues communes, dans l’enseignement de la philosophie : par exemple, l’Allégorie de la Caverne de Platon ou le doute méthodique de Descartes. Comme votre correcteur risque de les retrouver assez souvent, il vaut mieux que vous les maîtrisiez parfaitement, si vous décidez vous aussi de les utiliser. En effet, on vous « pardonnera » davantage quelques maladresses, sur des références plus originales et plus difficiles que sur celles-là.

Remarque : il est possible également de se servir de thèses philosophiques d’auteurs, qui ne sont pas classés parmi la catégorie des « philosophes ». Par exemple, il y a beaucoup de réflexion philosophique, dans l’oeuvre de Victor Hugo ou de Stendhal !

Combien ?

Trois ou quatre références philosophiques sont suffisantes, dans une dissertation de philosophie. Comme pour l’utilisation des exemples (cf. Tutoriel n°10 ), le plus important n’est pas la quantité de vos références, mais leur qualité et la manière dont vous les utilisez :
– vous ne devez pas faire d’erreur, ni de contresens, au sujet de leur interprétation ;
– elles doivent bien avoir un rapport avec le sujet traité : ne forcez jamais le sens d’une référence, pour qu’il s’adapte avec le sujet ;
– ne les utilisez surtout pas pour montrer que vous avez de la culture, mais pour faire réellement progresser votre réflexion.

Comment présenter une référence philosophique ?

Il n’est pas indispensable de mettre une référence philosophique, sous la forme d’une citation : si vous arrivez à présenter l’idée d’un auteur, sans retranscrire tous les termes exacts qu’il utilise, cela sera déjà bien !

Cependant, que vous utilisiez ou non une citation, il est important de bien préciser le nom de l’auteur et le titre du livre, duquel l’idée est tirée.

La présentation, en elle-même de la thèse de l’auteur doit être la plus brève et la plus précise possible. Evitez à tout prix les récitations interminables. L’idéal est d’alterner la présentation de divers points particuliers de la thèse et leur analyse.

Comment analyser une référence philosophique ?

Votre analyse doit prendre pour fil conducteur le sujet que vous avez à traiter, votre problématique, et, plus particulièrement, l’idée que vous êtes en train de développer, à ce moment de votre dissertation philosophique.

Exemple d’application

Reprenons un sujet, dont le terme interrogateur était analysé, dans le Tutoriel n°1
« Peut-on faire l’éloge de la passion ? »

Nous pouvons, à un moment de notre réflexion, nous servir de la citation de Hegel : « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion » ( La Raison dans l’Histoire, éd. 10/18, pp. 108-109 )

La problématique générale de ma réflexion est la suivante : « En quoi un sentiment puissant, au point de faire agir les hommes au-delà des limites de la raison, peut-il recevoir une approbation morale, qui, elle, est fondée en raison ? »

Dans une partie de ma réflexion, je me demande si la passion, tout en étant de nature contraire à la raison, pourrait néanmoins servir les buts de la raison. C’est ce que Hegel appelle « la Ruse de la Raison » : la raison utilise la passion, comme moyen, pour arriver à ses fins.

Vous remarquerez que c’est la thèse même de Hegel qui me permet d’avoir cette idée, qui, reconnaissons-le, est assez difficile à trouver par soi-même ! Cependant, il est bien évident que, dans la présentation de cette thèse, je ne commence pas par citer Hegel, mais je l’insère habilement, dans ma réflexion « personnelle » !

Présentation et analyse de la référence :

« Si l’être humain a du mal à se raisonner et si la passion est pour lui, un moteur puissant d’action, il paraît alors intéressant d’utiliser la passion, pour servir les fins de la raison. En effet, si la raison veut réaliser des fins morales, dans le monde, en s’opposant à la passion, elle lutte non seulement contre un adversaire redoutable, mais elle se prive en outre d’un allié efficace.

Cependant, il semble paradoxal que la raison utilise un moyen aussi contraire à sa propre nature. En effet, la passion est un sentiment tellement intense qu’il peut nous faire dépasser les limites du raisonnable et donc accomplir des actes immoraux. Par exemple, quelqu’un peut tuer « par amour » : il sacrifie les intérêts de l’autre, pour ce qu’il croît être son propre intérêt. A l’inverse, l’individu peut même, par passion, sacrifier ses propres intérêts : pensons au joueur de jeux de hasard, qui se ruine.

Or, c’est cette dernière caractéristique qui permet, selon Hegel, d’utiliser la passion, pour servir les fins de la raison. En effet, « rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion » écrit-il dans son livre : La Raison dans l’Histoire . Cette affirmation signifie que la passion est un moteur bien plus puissant que la raison et qu’elle est une condition nécessaire, pour que les progrès de l’Histoire se réalisent. En effet, cette passion est présente chez ceux que Hegel appelle « les grands hommes ». Elle leur permet de guider leur peuple vers un état de liberté, plus élevé que le précédent, tout en sacrifiant leurs intérêts personnels. Ainsi, Hegel cite des grands hommes comme Alexandre ou Napoléon, qui ont été soit assassinés, soit exilés. Certes, ils ont été de grands despotes, mais en constituant de grands empires, ils ont permis à leurs peuples de ne pas subir la domination d’autres peuples et donc de rester indépendants.

Pour Hegel, il est donc possible et il faut même faire l’éloge des passions, parce qu’elles sont l’unique moyen par lequel la raison se réalise, dans le monde. En effet, les passions finissent par produire une société, dans laquelle elles donnent au droit juridique et moral le pouvoir d’agir contre elles ! Autrement dit, seules les passions peuvent lutter contre elles-mêmes : la raison, quant à elle, est un moyen de s’opposer aux passions qui reste dérisoire, car elle n’a pas la même force, la même énergie. »

Exercice d’entraînement

Vous pouvez faire cet exercice dans la zone des commentaires (ou sur la page « me contacter », si vous ne voulez pas que votre travail paraisse sur le site)

Appuyez-vous sur une référence philosophique, pour développer une idée, sur le sujet suivant, analysé dans le Tutoriel n°1 : « Y a-t-il du travail dans les oeuvres d’art ? »

Indications : vous pourrez vous servir des thèses de Nietzsche sur le travail de l’artiste, puis leur opposer celles de Kant sur le génie.

Corrigé de l’exercice du Tutoriel n°10

Faites bien l’exercice du Tutoriel n°10 , avant de lire sa correction !

Je choisis d’illustrer par un exemple, l’idée esquissée au §1 de la Troisième Partie de mon plan sur le sujet : « Y a-t-il un devoir de mémoire? »

« Après la fin de la Première Guerre Mondiale, le Traité de Versailles (1919) déclare l’Allemagne seule responsable de la guerre et lui impose de verser des réparations colossales, en dédommagement pour les pertes humaines et matérielles, subies par la France. A partir des années 1920, des monuments aux morts sont érigés dans chaque commune française. La population est invitée à un devoir de mémoire, envers les soldats, morts pour défendre la patrie. Mais, peu de gens, à ce moment là, condamnent la guerre en général, les gouvernements qui l’ont déclarée et l’Etat-Major qui a donné des ordres d’attaques souvent absurdes, pour ne reprendre que quelques mètres de front à l’ennemi.

Nous voyons donc, par cet exemple, comment un gouvernement peut utiliser habilement le devoir de mémoire, pour se dédouaner de toute responsabilité. En effet, ce devoir de mémoire est renforcé par le sentiment de deuil, qui était alors présent dans de nombreuses familles. Ce sentiment empêchait les individus de réfléchir aux causes réelles de la guerre et il était alors facile de désigner l’ennemi d’hier, comme le seul responsable de leurs malheurs. »

Voir le sommaire de l’ensemble des tutoriels sur la dissertation de philosophie (en Terminale)

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